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VIE DE M. BAYLE.

vons adorer humblement, persuadés que puisqu’il est révélé il existe, et obligés d’imposer silence aux difficultés de notre faible raison. Que j’avais assez déclaré sur d’autres matières, et nommément quant à l’existence de l’étendue et du mouvement, que ne pouvoir pas répondre à des objections n’est point pour moi une raison de rejeter une doctrine ; que je méditerais de nouveau sur celles des manichéens, et que si je trouvais des réponses, ou si messieurs les ministres du consistoire m’en voulaient fournir, je leur donnerais la meilleure forme qu’il me serait possible. Je répondis la même chose quant à l’article de Pyrrhon ; et pour ce qui est des louanges données aux bonnes mœurs de quelques athées, je promis un éclaircissement qui fera voir comment ces faits-là que j’ai trouvés dans les livres, et que les lois de l’histoire m’ont engagé de rapporter, ne divers point scandaliser et ne font en effet aucun tort à la vraie religion.

 » Les commissaires ayant rendu compte de cette conférence à la compagnie, il fut question d’avoir par écrit ce que j’avais déclaré de vive voix. Je présentai donc un mémoire où, ayant touché d’abord les deux points généraux de mes réponses verbales, je protestai que je n’avais jamais eu intention d’avancer comme mon sentiment aucune proposition qui fût contraire à la confession de foi de l’Église réformée où Dieu m’avait fait la grâce de naître et dont je faisais profession ; que s’il se trouvait de semblables propositions dans mon ouvrage (ce que je ne croyais pas ), il fallait qu’elles s’y fussent glissées à mon insu, et que je les désavouais et les rétractais ; que si j’avais pris à certains égards des libertés de philosopher qui ne sont pas ordinaires, c’était parce que j’avais cru qu’on les excuserait aisément par la considération de la nature de l’ouvrage où je soutenais tout à la fois la personne d’historien et celle de commentateur, sans faire le dogmatique ; que le soin que j’avais pris de faire servir les réflexions philosophiques à la confirmation d’un dogme qui est capital dans notre Église et que nous opposons perpétuellement aux sociniens, savoir qu’il faut captiver son entendement à l’autorité de Dieu, et croire ce que Dieu nous révèle dans sa parole, quoique les lumières de la philosophie n’y soient pas toujours conformes ; que ce soin, dis-je, m’avait fait espérer que tous mes lecteurs protestans seraient plutôt édifiés qu’offensés de mes commentaires ; que j’étais bien fâché que l’événement n’eût pas répondu à mon espérance ; et que si j’avais prévu l’effet de la liberté que je prenais, je m’en serais abstenu soigneusement ; que pour remédier au passé, je rectifierais ces endroits dans une seconde édition, et que j’aurais de grands égards pour les remarques que la compagnie m’avait fait communi-