Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
VIE DE M. BAYLE.

vrage entier [1]. M. Bayle n’eut aucune part à cette réimpression, et il se plaignit qu’il s’y était glissé beaucoup de fautes [2]. Il n’en put pas revoir les épreuves : l’impression du second volume l’occupait si fort, qu’il n’avait pas même le temps d’écrire à ses amis. « Vous excuseriez mon silence, écrivait-il à M. Constant [3], si vous saviez l’accablement de travail où je me trouve, pour l’impression de mon Dictionnaire historique et critique. Le libraire veut l’achever, à quelque prix que ce soit, cette année ; de sorte qu’il faut que je lui fournisse incessamment nouvelle copie, et que je corrige chaque jour des épreuves, où il y a cent fautes à raccommoder, parce que mon original, plein de ratures et de renvois, ne permet ni aux imprimeurs ni au correcteur d’imprimerie de se tirer d’un tel labyrinthe ; et ce qui me retarde beaucoup, c’est que, n’ayant pas sous ma main tous les livres qu’il faut que je consulte, je suis obligé d’attendre jusqu’à ce que je les aie fait chercher, quand quelque personne de cette ville les a. » Il se plaignait aussi que le fréquent retour de ses douleurs de tête lui faisait perdre beaucoup de temps. « Je suis bien aise, dit-il [4], que vos migraines vous aient quitté. Elles m’auraient fait le même plaisir si j’avais pu vivre sans étudier ; mais le travail opiniâtre les entretient, et les fait revenir très-souvent. Je perds par-là plusieurs jours de chaque mois, ce qui m’oblige ensuite à m’appliquer davantage pour regagner le temps perdu. »

On avait en Angleterre une idée si avantageuse du Dictionnaire de M. Bayle, qu’un seigneur, qui ne se distinguait pas moins par son esprit que par son rang et par ses emplois [5], souhaita que cet ouvrage lui fût dédié. Il chargea M. Basnage d’assurer M. Bayle qu’il lui en témoignerait sa reconnaissance par un présent de deux cents guinées. Les amis de M. Bayle, et particulièrement M. Basnage, le sollicitèrent longtemps de satisfaire au désir de ce seigneur ; mais ils le sollicitèrent en vain. Il dit qu’il s’était si souvent moqué des dédicaces, qu’il ne voulait pas s’exposer à en faire. Ce n’était cependant qu’un prétexte pour colorer son refus. Le véritable fondement de la longue et opiniâtre résistance qu’il fit dans cette occasion, c’est qu’il ne voulait flatter ni louer personne qui eût quelque rang à la cour d’un roi dont il avait sujet de se plaindre, et ce seigneur était alors dans le ministère [6].

1697.

Le second volume fut achevé d’imprimer le 24 d’octobre, et l’ouvrage parut sous ce titre : Dictionnaire historique et criti-

  1. Voyez les lettres à M. Constant, du 4 de juillet 1697, p. 654 ; et à M. Coste, du 14 de juillet de la même année, p. 660, 661.
  2. Lettre à M. le D. E. M. S., du 7 de juillet 1698, p. 712 et suiv.
  3. Lettre du 31 de mai 1696, p. 588, 589.
  4. Ibid., p. 591.
  5. Le duc de Shrewsbury, secrétaire d’état, etc.
  6. Mémoire MS. de M. Basnage.