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VIE DE M. BAYLE.

Dieu, ne sont point des productions miraculeuses destinées à menacer le genre humain. Sa doctrine tend à donner de Dieu une idée qui nous représente vivement sa sagesse, sa bonté, sa véracité : elle nie certains présages, mais c’est à cause qu’ils feraient tort à ces divines perfections.

M. Bayle entra dans le détail des extraits de M. Jurieu, et découvrit sa mauvaise foi et son peu de discernement et de pénétration. Il réfuta ses objections sur le parallèle de l’idolâtrie païenne et de l’athéisme, sur les mœurs des athées, etc. ; et justifia ce qu’il avait dit dans ses Nouvelles Lettres contre Maimbourg touchant les droits de la conscience errante. Il exposa ensuite le véritable état de la question entre lui et son adversaire, et marqua de quelle manière se doivent conduire les juges ecclésiastiques qui connaîtraient de ce différent. Il ajouta une requête à toutes les universités chrétiennes, pour les prier de décider sur l’exposé qu’il leur faisait de ses sentimens. Enfin il dénonça douze propositions extraites de la Courte revue, comme étant fausses, téméraires et impies.

Cet ouvrage rompit toutes les mesures de M. Jurieu, et le réduisit au silence. C’était beaucoup : mais M. Bayle avait mis ses preuves dans une si grande évidence, qu’il n’était pas possible d’y répliquer. Cependant ce n’était que l’ouvrage de quelques jours. » Je l’ai fait, dit-il [1], avec tant de facilité, que les trois ou quatre jours que j’ai donnés à cela auraient été un temps trop long si j’avais voulu faire une plus ample réponse ; mais la résolution d’être court a été cause que j’ai eu besoin de plus de temps. J’ai tellement ruiné ce libelle, qu’il n’y reste pierre sur pierre. On verra que ma partie n’entend point sa religion, qu’il combat les maximes qu’il a soutenues dans d’autres livres, et qu’il nie les choses les plus évidentes. Le pis est que ses extraits sont si visiblement infidèles, qu’il n’y a nulle apparence qu’il ait été dans l’erreur de bonne foi »

M. de Bruguière, capitaine, et cousin de M. Bayle, ayant fait connaître le désir qu’il avait de voir une réconciliation entre lui et M. Jurieu, M. Bayle lui fit remarquer que la chose était impossible. « La nature de la querelle que j’ai ici, dit-il [2], ne permet point de réconciliation : il ne peut y avoir que ce qu’on appelle dans votre métier cessation de tous actes d’hostilité ; car il s’agit de savoir si j’ai été d’une cabale qui machinait la ruine de la religion et de l’état, ou non. Il m’en a accusé publiquement, et je lui ai montré que cette cabale était une chimère la plus ridicule dont on ait jamais parlé. Il m’a accusé d’avoir fait un livre intitulé Avis aux réfugiés, où on condamne les libelles diffamatoires qui s’impriment dans ce pays-ci contre le roi de France et le

  1. Addition aux Pensées diverses, dans l’avertissement.
  2. Lettre à M. de Bruguière, capitaine, du 29 nov, 1694.