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VIE DE M. BAYLE.

sies de ce livre ; et ici on ne fait pas en quinze jours ce que l’on ferait ailleurs dans une après-dînée. »

C’est aux sollicitations de ces ministres flamands que M. Bayle attribua la disgrâce qui lui arriva peu de temps après. Voici de quelle manière il en parle à M. Minutoli le 5 de novembre : « Nos magistrats, dit-il [1], m’ont ôté ma charge de professeur, avec la pension de cinq cents florins qui y était annexée ; il ont même révoqué la permission qu’on m’avait donnée d’enseigner en particulier. Ils résolurent cela, à la pluralité des voix, le 30 d’octobre passé, et lundi dernier [2] messieurs les bourgmestres m’en donnèrent connaissance dans leur chambre. Tout ce qu’il y a ici de plus raisonnable crie contre cette injustice ; et une partie de nos conseillers, les plus anciens dans leur charge et les plus habiles, s’opposèrent de toute leur force à cette résolution ; mais ils furent inférieurs en nombre. Si l’on n’avait pas cassé l’année passée sept ou huit bourgmestres ou conseillers de cette ville, pour mettre à leur place d’autres gens, cela ne me serait pas arrivé. Ce qui me console est de voir le mécontentement de la ville là-dessus, et les irrégularités de ce procédé, et l’injustice du fondement. Ce fondement est mon livre des Pensées diverses sur les comètes, que les ministres flamands ont fait accroire aux bourgmestres contenir des choses dangereuses et antichrétiennes. C’est ce que je m’étais offert de réfuter ; et je maintiens, et le prouverai clair comme le jour, que mon livre des Comètes n’avance rien qui soit contraire à notre confession de foi ni à l’Écriture. Quoi qu’il en soit, on a condamné ma doctrine sans m’entendre, sans me demander si je convenais de la fidélité des extraits et du sens qu’on donnait à mes paroles ; et les magistrats ne m’ont pas donné lieu de réfuter mes accusateurs. Il n’a été rien dit ni de l’Avis au réfugiés, ni du Projet de paix, que je voulais donner à imprimer. Cela eût été plus odieux. » Dans une autre lettre il lui dit : [3] Vous avez peut-être ouï dire en vos quartiers que j’ai perdu ma charge à cause de l’Avis aux réfugiés ; car les émissaires du personnage, mortifiés au dernier point du mépris qu’ont fait nos supérieurs et de sa prétendue dénonciation de la Cabale de Genève, et de ses factums redoublés à l’occasion de sa calomnie par rapport audit Avis, ont écrit d’ici partout que c’était l’accusation touchant ce livre qui avait produit cet effet. Absurdité manifeste ; car on ne se serait pas contenté de m’ôter la permission d’enseigner si on s’était fondé sur une accusation de libelle contre l’état. On ne s’est fondé, vous en pourriez jurer, que sur la plainte

  1. Lettre du 5 de novembre 1693, pag. 537, 538.
  2. Le 2 de novembre.
  3. Lettre à M. Minutoli, du 8 de mars 1694, p. 542.