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VIE DE M. BAYLE.

mauvais génie, sans daigner lui faire un mot de réponse, et qu’il est bien fâché de voir qu’il continue à le réfuter. Vous aurez beau, dit-il, le convaincre d’avoir pitoyablement raisonné, d’avoir cité à faux, et répété les mêmes choses sans avoir eu égard à ce qu’on avait répondu : tout cela ne sera pas capable de l’empêcher d’écrire, et de rallumer le feu à mesure qu’il s’apercevra que le temps commence à l’éteindre. Il fait voir ensuite que cet auteur avait avancé plusieurs choses que M. Bayle aurait dû relever, puisqu’il s’était mis sur le pied de lui répondre encore une fois.

M. Bayle mit à la tête de cet écrit un Avis au lecteur [1] où il avoue que la plupart de ses amis lui conseillaient de ne pas répondre à l’auteur des Remarques sur la Cabale chimérique ; que, s’il les avait crus, il n’aurait pas fait semblant de savoir que ces petits libelles fussent dans la nature des choses, et qu’ils avaient été fâchés qu’il en eût réfuté quelques morceaux ; cependant, que, comme c’est une matière où il y a du pour et du contre, il n’avait pas suivi tout-à-fait leur avis, mais qu’il avait pris un certain milieu, qui était de publier quelque chose, afin d’apprendre au public pourquoi il ne répondait point pied à pied aux écrits de ce faiseur de remarques. « Les principales raisons, dit-il, pourquoi on ne s’engage pas à ces sortes de réponses sont : 1o. que cet auteur ne fait que répéter les mêmes choses sans répliquer aux réfutations que l’on y a opposées ; 2o. que le public n’est déjà que trop fatigué de tant de petites discussions ; 3o. que cet auteur falsifie si grossièrement les endroits qui tâche de réfuter, qu’on doit se promettre de l’équité des lecteurs désintéressés qu’il découvriront par eux-mêmes les fraudes du personnage ; mais comme on aurait tort d’en vouloir être cru sur sa parole, il a fallu donner quelques preuves de ceci ; c’est pourquoi on a eu soin, et dans le premier Avis au petit auteur, et dans le second, démontrer par quelques échantillons de quoi il est capable en fait de citer à faux, et de tirer de mauvaises conséquences. De plus, il a fallu prier tous les lecteurs qui se voudront porter pour juges de confronter partout ailleurs les pièces des deux parties : voilà d’un côté ce qui a fait qu’on lui répond quelque chose, et de l’autre ce qui a fait qu’on ne répond pas à tout. » M. Bayle remarqua aussi que ce petit écrit aurait paru plus tôt si on n’avait pas su que M. Jurieu avait sous la presse un gros factum dont ses émissaires parlaient avec de grands éloges, selon leur coutume ; et que, pour n’en pas faire à deux fois, il avait résolu de différer la publication de ce second avis jusqu’à ce qu’il eût vu, par la lecture de ce factum, s’il méritait d’être réfuté, auquel cas il en aurait joint la réfutation avec cet autre écrit ; mais comme il venait d’apprendre que ce factum ne paraîtrait pas encore, il n’avait pas voulu différer

  1. Cet avis est daté du 2 de juin 1692.