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VIE DE M. BAYLE.

départ de M. Bayle de Puylaurens on sut qu’il s’était allé jeter au couvent des jésuites, à Toulouse, il avait seulement voulu dire que cela fut dit ainsi à Puylaurens, et cru même de tout le monde ; qu’à l’égard des autres petites circonstances du temps qu’il y pourrait avoir eu depuis que M. Bayle avait été à Toulouse, jusqu’à ce qu’il le vit à Genève, et du lieu particulier où ils se parlèrent ensemble la première fois, que ce fut environ trois ans, ou moins... Quand ce serait sa mémoire qui l’aurait trompé en cela, la chose était de très-peu de conséquence pour l’un aussi-bien que pour l’autre ; et que pour ce qui regardait la réponse qui lui aurait été écrite de Toulouse, puisque M. Bayle ne demeurait pas d’accord de l’avoir écrite, il n’avait garde de l’assurer, n’en ayant aucune certitude, c’est-à-dire, qu’il rétracta tout ce qu’il avait avancé, et dont M. Jurieu et ses suppôts avaient fait un sujet de triomphe.

M. Bayle joignit à cet écrit une Lettre de monsieur *** à l’auteur de l’Avis au petit auteur des petits livrets. L’auteur de cette lettre loue M. Bayle d’avoir, à sa prière, supprimé les réflexions qu’il était sur le point d’envoyer à l’imprimeur sur la violente incartade qu’on trouvait dans la Seconde apologie de M. Jurieu contre l’auteur du Janua Cœlorum reserata. Il montre combien cet ouvrage était mortifiant pour M. Jurieu, et fait une apologie ironique de la colère de ce ministre. Il répond aussi au reproche qu’on avait fait à l’auteur sur sa latinité, « Je trouve très-vraisemblable, dit-il [1], que M. Larebonius ne s’est jamais attendu à un tel reproche, tant parce qu’il a déclaré au commencement et à la fin de son livre qu’il a choisi tout exprès le style des scolastiques, que parce qu’il ne croyait pas que son adversaire fût en état de juger du style latin autrement qu’un aveugle des couleurs. Il y a autant d’injustice à trouver mauvais qu’on se serve du style des universités, dans un ouvrage de pur raisonnement, qu’à vouloir qu’on écrive en beau français la réfutation de quelques misérables factums ; dans laquelle on n’a été occupé qu’à inventorier des mensonges et des contradictions. Depuis quand se pique-t-on de beau style dans les écritures de procès, dans les factums, dans les inventaires ? A-t-on réfuté ceux du dénonciateur avec l’application qu’on apporte à la composition d’un ouvrage qu’on veut rendre digne par lui-même d’être lu ? On savait que peu de gens prendraient la peine de lire ces sortes de réfutations : la lecture n’en était pas nécessaire aux gens dépréoccupés ; et les démonstrations d’Euclide ne feraient que blanchir sur les gens préoccupés. On a su cela, ainsi on n’a eu garde de perdre son temps après le style. » Cet ami dit ensuite que si M. Bayle eût voulu le croire, il aurait abandonné l’auteur des petits livrets à son

  1. Nouvel avis, etc., p. 65. Voyez aussi l’article Coménius, ubi supr., tom. V, pag. 269.