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VIE DE M. BAYLE.

quatre mois se passèrent sans qu’on vit rien paraître sur sa dispute avec M. Bayle. Mais enfin son champion, l’auteur des Remarques générales, s’avisa de publier un écrit contre la Chimère de la cabale, intitulé, Le Philosophe dégradé, pour servir de troisième suite aux Remarques générales sur la Cabale chimérique de M. Bayle. Les amis de M. Bayle lui conseillaient de mépriser cet écrit ; cependant il crut qu’il était nécessaire de le réfuter. Voici les raisons qu’il en allègue à M. Sylvestre. « Si vous aviez lu, dit-il [1], le libelle auquel vous ne me conseillez pas de répondre, je suis sûr que vous approuveriez que j’aie fait sentir à l’auteur ses iniquités insupportables ; et ce que j’en fais c’est principalement pour couper en herbe une infinité de semblables petits libelles qu’il se prépare de nous donner, et où il ne prendrait garde à aucune falsification, si on ne le menaçait de les lui bien mettre en compte. Enfin je croirais désobliger M. Sartre si je n’opposais que le silence à son témoignage. » Pour éclaircir ce fait, je remarquerai que M. Jurieu publia dans sa Courte revue une lettre écrite de Londres, où l’on assurait qu’une personne qui avait étudié avec M. Bayle à Puylaurens (c’est-à-dire, M. Sartre, ministre réfugié à Londres) avait dit que M. Bayle se débaucha à un tel point qu’il se fit papiste, et alla même demeurer à Toulouse environ trois ans chez les jésuites ; que cette personne lui ayant écrit sur son changement de religion, en reçut une réponse aigre d’un véritable papiste animé déjà par les jésuites ; qu’elle le vit ensuite à Genève après sa sortie de Toulouse, et que M. Bayle, se souvenant de sa lettre et de la réponse, lui fit des excuses, et la pria de ne pas parler de cette affaire. M. Bayle s’inscrivit en faux contre toutes ces circonstances, dans sa Chimère démontrée, excepté son changement de religion. Il nia qu’il eût jamais demeuré chez les jésuites ; il somma l’auteur de la lettre de déclarer le nom de la personne qui prétendait que M. Bayle lui avait fait une réponse aigre, et ensuite des excuses à Genève ; sur quoi l’émissaire de M. Jurieu, auteur de la lettre, engagea M. Sartre à en écrire une à M. Bayle, où il avouait qu’il avait dit que M. Bayle, « étant à Puylaurens, s’en était absenté ; qu’on avait su quelques jours après qu’il s’était jeté dans le couvent des jésuites de Toulouse ; qu’il lui avait écrit sur ce sujet une lettre telle qu’un jeune homme pouvait la faire dans cette occasion ; et qu’il en avait reçu une lettre fort piquante ; et qu’il avait ajouté à cela qu’environ trois ans après il avait vu M. Bayle à Genève, et que M. Bayle lui fit connaître qu’il l’obligerait de ne parler pas de ce qui lui était arrivé à Toulouse, parce que cela lui pouvait faire tort dans le dessein qu’il avait de faire quelque séjour à Genève [2]. » L’auteur du Philosophe dégradé publia

  1. Lettre du 17 déc. 1691, p. 421, 422.
  2. Lettre de M. Sartre à M. Bayle, du 6 d’octobre 1691, p. 399, 400.