Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
VIE DE M. BAYLE.

écrite sur ce sujet à M. Jurieu. II. Remarques sur le Factum de M. Jurieu contre M. Bayle, au sujet de l’Avis aux réfugiés. On ne s’y attache point à réfuter en détail ce que M. Jurieu avait avancé dans sa Dernière conviction ; mais on lui marque une longue liste de choses à prouver, sans quoi ce factum ne pouvait avoir aucune force. III. Une longue préface, où l’on montre la manière de bien juger de quel côté est la victoire dans ce procès. On y faisait connaître le détail de la dénonciation de M. Jurieu et des suites qu’elle avait eues. Cette dénonciation se réduisait à ces trois chefs : la Cabale de Genève ; l’Avis aux réfugiés ; et le Commerce avec la cour de France. M. Bayle y joignit des Réflexions sur l’Apologie du sieur Jurieu, où il découvrit plusieurs faussetés que M. Jurieu avait avancées, et entre autres celle-ci, que M. Bayle lui était redevable de son établissement à Rotterdam. M. Bayle fit voir que c’était tout le contraire. Dans l’Avis au lecteur, il marquait qu’y avait longtemps que ce livre était composé, hormis les dernières feuilles de la préface ; et qu’il aurait paru peu de jours après les prétendues Convictions de M. Jurieu, si les imprimeurs avaient été aussi diligens que l’auteur. Il indiquait ensuite le contenu de chaque partie, et faisait quelques réflexions sur le honteux procédé de M. Jurieu dans toute cette affaire. Au reste, M. Bayle gardait plus de mesure avec M. Jurieu dans cet ouvrage qu’il n’avait fait dans sa Cabale chimérique, comme il le remarque lui-même.

M. Bayle publia presque en même temps des Entretiens sur le grand scandale causé par un livre intitulé la Cabale chimérique. À Cologne, chez Pierre Marteau, 1691. Cet ouvrage contient cinq entretiens. Philodème et Agathon, les deux interlocuteurs, regardent M. Jurieu comme un grand serviteur de Dieu, qui a usé ses forces au service de l’Église, et trouvent fort mauvais que M. Bayle l’ait traité si durement. Ils se rendent compte des conversations qu’ils ont eues avec des cabalistes ; rapportent les raisons que ces cabalistes alléguaient en faveur de M. Bayle, et la manière dont ils les avaient réfutées. C’est une ironie continuelle sous laquelle on fait le portrait de M. Jurieu, et on justifie M. Bayle sur plusieurs choses.

Les mortifications que M. Jurieu avait reçues au dernier synode [1] ; la nécessité où il se trouvait de préparer des apologies pour le synode prochain, contre les plaintes qu’on faisait de toutes parts au sujet de sa doctrine, et le chagrin de voir que, malgré toutes ses oppositions, M. Basnage, son beau-frère, avait été reçu ministre ordinaire de l’église de Rotterdam ; tout cela le désola si fort qu’il tomba malade de ses vapeurs au mois de septembre 1691 [2]. Il se trouva hors d’état d’écrire, et trois ou

  1. Le synode de Naerden, tenu au mois de septembre 1691. Il ordonna que M. Jurieu produirait ses défenses contre l’accusation d’hérésie et d’impiété portée contre lui par cinq églises.
  2. Lettre à M. Constant, du 8 d’octobre 1691, p. 408.