Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
VIE DE M. BAYLE.

de plaintes par ses sentimens hétérodoxes que par son esprit violent et persécuteur. Quelques églises demandèrent aux synodes qu’on examinât ses livres : on dressa une liste des hérésies et des profanations qui s’y trouvaient (P), et on l’envoya au synode qui se tenait à Leyde, sous le titre de Lettre à messieurs les ministres et anciens qui composent le synode assemblé à Leyde, le 2 de mai 1691. Cette dénonciation, jointe aux disputes qu’il avait eues dans les synodes avec plusieurs ministres, l’obligea à publier un écrit intitulé : Apologie du sieur Jurieu, pasteur et professeur en théologie, adressée aux pasteurs et conducteurs des églises wallones des Pays-Bas ; mais, au lieu d’y justifier sa doctrine, il étala avec beaucoup de faste et d’ostentation les grands services qu’il prétendait avoir rendus à l’Église ; et, après avoir fait son propre panégyrique, il se répandit en injures et en invectives contre les ministres complaignans, et s’y déchaîna de nouveau contre M. Bayle. C’est là qu’il avoue que puisqu’il n’était pas en son pouvoir de faire tomber sur lui toute la peine qu’il méritait, au moins avait-il voulu l’exposer à l’infamie publique [1] : et il se plaignait douloureusement de la clémence de l’État [2]... L’écrit de M. de Bauval l’avait piqué jusqu’au vif : il s’emporta violemment contre lui ; et, quoiqu’il eût refusé de s’en tenir aux termes du défi qu’il lui avait fait, il ne laissa pas de soutenir qu’il l’avait convaincu d’être complice de l’Avis aux réfugiés, et qu’il était le principal acteur de la comédie de l’édition de Paris [3]. M. de Bauval publia une Réponse à l’Apologie de M. Jurieu, où il réfuta ses calomnies, et fit voir qu’il se vantait ridiculement d’avoir été le soutien de l’Église et le champion de l’orthodoxie. Il l’interpella encore publiquement de convenir d’arbitres pour décider de leur démêlé à toute rigueur ; mais il l’interpella inutilement. Dans la suite, M. de Bauval, voyant qu’il ne voulait ni lui faire réparation, ni en venir à un éclaircissement, donna au consistoire de Rotterdam une déclaration par laquelle il protestait qu’il regardait M. Jurieu comme un calomniateur et un malhonnête homme [4].

M. Bayle publia une réponse aux derniers écrits de M. Jurieu, sous ce titre : La Chimère de la cabale de Rotterdam, démontrée par les prétendues convictions que le sieur Jurieu a publiées contre M. Bayle. À Amsterdam, chez Henry Desbordes, dans le Kalverstraat. M. DC. XCI. Cette réponse, écrite sous le nom d’un ami de M. Bayle, contient trois parties. I. La Chimère de la cabale de Rotterdam, démontrée par les Nouvelles convictions qu’un ami de M. J. a publiées, ou Lettre d’un ami de M. Bayle à Monsieur ***. C’est la réfutation du factum publié par M. Jurieu, pour soutenir la Cabale du Projet de paix. Elle finit par la lettre que M. Minutoli avait

  1. Apologie du sieur Jurieu, p. 25, col. 1.
  2. Ibid., p. 24, col. 2.
  3. Ibid., p. 26, col. 2.
  4. Voyez les Considérations sur deux sermons de M. Jurieu, etc., p. 35.