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VIE DE M. BAYLE.

présomptions semblables, quand on les aurait contre vous, quelqu’un s’avisât, sans autre examen, de vous dénoncer incessamment par un écrit public et vous et vos amis pour des gens sans honneur, sans foi et sans religion ? Il l’exhortait à reconnaître son erreur, et à ne pas l’obliger de rendre cette lettre publique pour la justification de M. Bayle.

M. Jurieu reçut aussi des lettres de quelques amis qu’il avait à Genève, qui l’avertissaient de ne faire aucun fonds sur la cabale de Genève, et de ne pas traiter de chose sérieuse le projet de paix [1] ; mais cela ne l’empêcha pas de publier, à l’insu et malgré la défense du magistrat, un écrit intitulé : Nouvelles convictions contre l’auteur de l’Avis aux réfugiés, avec la nullité de ses justifications ; par un ami de M. Jurieu. Première partie. Il écrivit sous le nom d’un ami, afin de se soustraire à la défense du magistrat par ce déguisement. Il soutint dans cet écrit tout ce qu’il avait dit touchant la cabale de Genève et le projet de paix. Cette première partie fut bientôt suivie d’une seconde, sous le titre de Dernière conviction contre le sieur Bayle, professeur en philosophie à Rotterdam, au sujet de l’Avis aux réfugiés, pour servir de factum sur le plainte portée aux puissances de l’état [2]. Dans ce dernier écrit, il ne parla plus de cette dangereuse cabale qui s’étendait du midi au nord, qui avait son centre à la cour de France, et dont le dessein était de faire soulever la Hollande et l’Angleterre, de confondre tous les projets des alliés, et de procurer ainsi à la France la monarchie universelle, et par conséquent la ruine de la religion protestante. Il voyait qu’il s’était rendu par-là aussi méprisable que ridicule. Ainsi il changea la question et n’accusa plus M. Bayle que d’avoir voulu faire imprimer un projet de paix à l’insu de l’état, contraire à ses intentions et à ses intérêts [3]. À l’égard de l’Avis aux réfugiés, il ne fit que répéter et amplifier ce qu’il avait déjà dit contre M. Bayle ; et, au lieu de se justifier des faussetés et des calomnies que M. Bayle avait réduites à vingt-cinq articles, il se répandit en injures et en invectives : il osa même nier que le magistrat lui eût défendu d’écrire aussi-bien qu’à M. Bayle. « Certes, dit-il, il faudrait avoir bien mauvaise opinion des puissances qui gouvernent et la ville et l’état, pour croire qu’elles fussent capables de mettre de l’égalité entre un homme accuse d’être traître à l’état, et celui qui, par zèle pour l’état, porte ses plaintes contre lui. Il n’y aurait aucune justice à ôter à un homme aussi violemment attaqué que l’a été M. Jurieu, le droit de se défendre. Il a intérêt, pour l’édification de l’Église, de justifier son nom partout où ses ouvrages l’ont porté [4]. » Cependant, comme il était très-vrai qu’on avait défendu éga-

  1. Ibid., préf., p. xj, xij.
  2. Les deux parties contiennent 36 pages, à 2 col., menu caractère.
  3. Dernière conviction, etc., p. 15, col. 1.
  4. Ibid.