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VIE DE M. BAYLE.

France [1]. Cet écrit, comme on l’a déjà dit, était précédé de l’Avis important au public.

M. Bayle n’eut pas plus tôt lu cet Avis au public, qu’il « alla dire à M. le grand bailli de Rotterdam que si son accusateur voulait entrer en prison avec lui, et subir la peine qui lui serait due, si lui M. Bayle n’était pas coupable, il était tout prêt à y entrer [2]. » Il avertit aussi deux des principaux magistrats de Rotterdam, et deux ou trois autres personnes de la Haye également illustres par leur mérite et par leurs emplois, des accusations qui lui étaient intentées par M. Jurieu ; les assura que ces accusations étaient fausses ; et qu’il ne demandait à l’état que la justice de n’être pas condamné sans être entendu [3]. Peut-être aurait-il bien fait de s’en tenir là. M. Jurieu n’aurait jamais osé comparaître contre lui devant les magistrats. Il n’avait aucune preuve juridique à alléguer ; on se serait moqué de ses présomptions, et il aurait été déclaré calomniateur. Mais comme il avait dénoncé publiquement M. Bayle comme chef d’une cabale qui conspirait contre l’état, M. Bayle crut qu’il devait se justifier par la même voie. Il intitula sa réponse [4], la Cabale chimérique, ou réfutation de l’histoire fabuleuse qu’on vient de publier malicieusement touchant un certain Projet de paix ; dans l’Examen d’un libelle, etc., intitulé Avis important aux réfugiés sur leur prochain retour en France. À Rotterdam, chez Reinier Leers, M. DC. XCI. In-12.

M. Bayle y raconta d’abord ce qu’il avait fait au sujet du Projet de paix, et dit ce que nous avons déjà rapporté. Il marqua toutes les faussetés que M. Jurieu avait avancées dans sa narration, et tous les égaremens où il s’était jeté. À l’égard de l’Avis aux réfugiés, qui faisait le second chef de l’accusation, il avait d’abord résolu de traiter ce sujet dans un ouvrage à part ; mais ayant considéré que cet ouvrage pourrait grossir sous sa plume, et ne paraître pas sitôt, il jugea à propos de donner en attendant un prélude de réponse. Il convint avec M. Jurieu que l’Avis aux réfugiés était l’ouvrage d’un protestant ; mais il s’engagea à faire voir, par tout ce que la probabilité a de plus fort, qu’il fallait que ce livre eût été composé en France. Ainsi, il réfuta toutes les suppositions que M. Jurieu avait faites pour montrer qu’il avait été écrit en Hollande, et que si l’auteur était à Paris il se montrerait. Il fit voir la différence qu’il y avait entre la manière d’écrire de cet auteur et la sienne. Il réfuta les caractères par lesquels M. Jurieu avait prétendu désigner l’auteur de l’Avis, pour en conclure que c’était M. Bayle. Il fit voir le ridicule de ses remarques et de ses chicanes sur la nouvelle édition de cet ouvrage qu’on faisait à Paris. Il montra que les présomptions de M. Jurieu ne l’autorisaient point à le dénoncer publique-

  1. À la Haye, chez Abraham Troyel, 1691, in-12.
  2. Cabale chimérique, p. 94 de la 2e. édition.
  3. Ibid., p. 207, 208.
  4. Elle est datée des 8 et 13 de mai 1691.