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VIE DE M. BAYLE.

après, et elle fut achevée d’imprimer le 9 de décembre 1692, avec un nouveau privilége du 19 de septembre dont voici l’exposé. « Notre amée Marie-Madeleine Guellerin, veuve de Gabriel Martin, vivant imprimeur et libraire dans notre bonne ville de Paris, nous a fait remontrer que par nos lettres du 20 octobre 1690, signées le Petit, et scellées, nous avons permis à l’auteur du livre intitulé, Avis important aux réfugiés sur leur prochain retour en France, de faire imprimer, vendre et distribuer ledit ouvrage partout notre royaume, pendant le temps et espace de dix années, lequel auteur a cédé son droit audit feu Gabriel Martin, mari de l’exposante : mais ayant affecté de demeurer inconnu au public, il fit difficulté de laisser enregistrer ledit privilége expédié en son nom, sur les registres de la communauté des libraires de notre ville de Paris ; ce qui, avec la maladie et la mort de feu Gabriel Martin, interrompit l’impression dudit ouvrage déjà commencé, et le retarderait encore, s’il ne nous plaisait, en conséquence du traité fait avec ledit auteur, et de son consentement, faire mettre ledit privilége au nom de l’exposante. À ces causes, désirant favorablement traiter ladite exposante, nous lui avons permis et accordé, permettons et accordons par ces présentes de continuer ou faire continuer l’impression dudit livre, etc. »

On ne parlait plus en Hollande de l’Avis aux réfugiés ; cet écrit était tombé dans l’oubli [1], lorsque M. Jurieu s’avisa tout d’un coup, au mois de janvier de l’année 1691 [2], de faire dire à M. Basnage qu’il regardait M. Bayle comme l’auteur de ce libelle, et qu’il fallait qu’il sortît des sept provinces. M. Basnage tâcha de lui faire prendre d’autres sentimens, mais il ne fut point écouté. M. Bayle dit alors à M. Basnage qu’il avait eu dessein de répondre à cet écrit, et que, pour convaincre M. Jurieu de son erreur, il allait reprendre son travail. Il pria en même temps M. Basnage d’assurer M. Jurieu qu’il était prêt de s’éclaircir avec lui sur ce sujet et d’aller satisfaire à tous ses doutes [3]. Tout cela n’apaisa point M. Jurieu : La haine qu’il avait conçue depuis long-temps contre M. Bayle s’était changée en fureur. Il crut avoir trouvé une occasion propre à le diffamer. S’il avait été le maître, il lui aurait fait perdre la vie. « Puisqu’il n’était pas en mon pouvoir, dit-il [4], de faire tomber sur lui toute la peine qu’il méritait, au moins ai-je voulu l’exposer à l’infamie publique. » C’est dans cet esprit que M. Jurieu travailla à un Examen de l’Avis aux réfugiés, où d’abord il s’attacha à en découvrir l’auteur. Après

  1. Cabale chimérique, p. 198, 353 ; Dernière conviction, p. 35. col. 1 ; Chimère démontrée, p. 351, 352.
  2. Cabale chimérique, p. 198 ; et Chimère démontrée, p. 352.
  3. Mémoires manuscrits de M. Basnage. V. aussi Chimère démontrée, p. 136 et 307.
  4. Apologie du sieur Jurieu, p. 25, col. 1.