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VIE DE M. BAYLE.

aveu authentique tant des libelles satiriques qui pourraient s’imprimer ici, que de la doctrine qui met la souveraineté des états dans les peuples. Je ne prétendais pas soutenir que personne parmi les réfugiés n’enseignât cette doctrine, mais que ce n’était que le sentiment de quelques particuliers, et qu’en général les ministres étaient dans les lieux de leur dispersion, comme ils étaient en France lorsque tant d’habiles écrivains s’élevèrent contre l’attentat des parlementaires d’Angleterre qui soumirent à leur juridiction, jusqu’à la peine de mort, la personne de Charles Ier.

 » On sait comment M. Bochart de Caen, M. Amirault, M. de Saumaise, etc., soutinrent que nous n’étions pas du sentiment des presbytériens de delà la mer sur le fait de la souveraineté. Plusieurs habiles ministres m’assurent tous les jours qu’eux et plusieurs de leurs amis sont là-dessus comme M. Daillé et M. de l’Angle, etc. ont représenté les protestans de France, et que je puis mettre en fait cela, et qu’il n’y a que le désaveu du dogme de la souveraineté des peuples qui nous puisse justifier du décri où nos adversaires nous mettent pour nous fermer à jamais l’entrée du royaume de France, comme à des républicains, qui mettent les rênes du gouvernement non-seulement entre les mains des notables, mais de la canaille même, si les notables ne font pas leur devoir. Je leur ai avoué qu’en effet un tel désaveu est la seule réponse qu’il faut faire à l’Avis aux réfugiés, mais que de le donner en l’air et sans commission ou approbation synodale, c’était peine perdue. On m’a assuré que j’aurais une telle approbation. Or voici, monsieur, les embarras que j’entrevois.

 » I. Un laïque comme moi et un philosophe de profession ne me semble pas un sujet bien choisi pour être le dénonciateur public des véritables sentimens des réfugiés ; un ministre ferait cela avec plus de bienséance et de poids.

 » II. Le respect que j’ai toujours eu pour M. Jurieu, et les liaisons intimes qui sont entre nous de temps désormais immémorial, m’ont paru un obstacle capital ; car, puisqu’il s’est déclaré hautement pour le sentiment contraire, c’est chercher à le brusquer et à le choquer de gaieté de cœur que de se charger d’une commission telle que celle qu’on me proposait.

 » III. Il y a bien plus, c’est que non-seulement ces considérations personnelles doivent m’éloigner de ce travail par rapport à moi et à M. Jurieu, mais aussi à cause de nos frères de France qui se nourrissent tous les jours avec fruit et succès des Lettres pastorales de M. Jurieu, lesquelles par conséquent nous devons laisser saines et sauves de toute atteinte de nos censures synodales, ce qu’on ne ferait pas si le synode approuvait ma réponse à l’Avis aux réfugiés ; car cette approbation serait une condamnation