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VIE DE M. BAYLE.

combien la médisance est opposée à l’esprit du christianisme. Il rappelle les réfugiés à la patience des premiers chrétiens, et oppose à l’intempérance de leur plume la modération des catholiques d’Angleterre réfugiés en France et des écrivains français. Il n’épargne pas l’empereur, ni même le pape, parce qu’il n’était pas ami de la France. Cependant, il se représente comme plein d’amour, de charité et de compassion pour les réfugiés : il proteste qu’il ne leur a parlé si fortement. que pour les porter à s’amender et à faire un désaveu public de leurs satires. C’est ainsi qu’il adoucit l’amertume de ses reproches et de ses insultes. Il passe ensuite aux écrits séditieux, et comprend sous ce nom tous ceux où l’on soutenait « que les souverains et les sujets s’obligent réciproquement et par voie de contrat à l’observation de certaines choses, de telle manière que si les souverains viennent à manquer à ce qu’ils avaient promis, les sujets se trouvent par-là dégagés de leur serment de fidélité et peuvent s’engager à de nouveaux maîtres, soit que tout le peuple désapprouve le manquement de parole de ces souverains, soit que la plus nombreuse et la plus considérable partie y consente. » Il prétend que c’est sur ce fondement que les réformés ont appuyé toutes leurs guerres civiles et qu’ils établissent leurs maximes séditieuses. Il combat vivement cette doctrine, se servant de la manière de disputer que l’on appelle reductio ad absurdum, et soutient avec beaucoup de chaleur le dogme de la souveraineté absolue des rois. Il ramasse tous les reproches que M. Arnaud, dans son Apologie pour les catholiques et d’autres controversistes, avaient faits aux protestans, touchant les principes de Buchanan, de Junius Brutus et de Pareus, et exhorte les réfugiés à faire quelque chose qui montrât qu’ils n’étaient point infectés de ces hérésies politiques. Il met la mort de Charles Ier., roi d’Angleterre, sur le compte des presbytériens, et reproche à l’église anglicane d’avoir abandonné la saine doctrine de la soumission due aux souverains, qu’elle avait défendue avec tant de zèle, pour passer dans le dogme presbytérien de la justiciabilité des monarques. Enfin il représente les protestans, et particulièrement les réfugiés, comme des séditieux qui portent partout la rébellion et l’anarchie, et déclare que les princes ne sauraient compter sur leur fidélité.

Toutes ces invectives sont suivies d’une espèce de digression intitulée : Réflexions sur l’irruption des Vaudois. Il avoue que les Vaudois ont été traités injustement, mais il soutient qu’ils sont inexcusables d’être entrés les armes à la main dans leur pays, et d’avoir fait la guerre à leur prince, ce qui lui donne occasion de revenir au pouvoir absolu des souverains. Après cela vient la conclusion. « Vous voyez présentement, dit-il, en quoi consiste la quarantaine que les catholiques les mieux intentionnés pour vous souhaitent que vous fassiez avant