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VIE DE M. BAYLE.

peut induire à reconnaître leur aveuglement. Le temps nous apprendra quel parti aura désormais plus besoin de la modération de l’autre. »

Cette menace était fondée sur le système prophétique de M. Jurieu (H). Il avait trouvé dans l’Apocalypse que la persécution des réformés en France cesserait en 1689, et que la réformation serait établie dans tout le royaume par l’autorité même du roi. On voyait déjà en France, disait-il, des prodiges et des miracles qui étaient les avant-coureurs de ces événemens (I). Si quelqu’un doutait de ces prétendus miracles, il le mettait au rang des impies et des profanes (K). C’est par-là que M. de Bauval encourut son indignation [1], et que M. Bayle ralluma son animosité et sa haine [2]. Mais la suite fit voir qu’il s’était trompé, et il crut alors que la réformation ne pouvait être rétablie en France que par la force des armes (L). C’était sa dernière ressource ; il tourna toutes ses vues de ce côté-là. Dans ses écrits, il préparait les peuples à cette grande révolution (M). Il s’attacha à prouver que l’autorité des souverains vient des peuples, et qui y a un pacte mutuel entre le peuple et le souverain [3]. Il soutint qu’on pouvait défendre sa religion par les armes [4]. Il fit aussi l’Apologie de la révolution d’Angleterre, et du roi Guillaume [5] que l’on attaquait violemment dans plusieurs libelles publiés en France (N). On vit encore paraître d’autres ouvrages sur ce sujet, composés par des réfugiés. Il se trouva même quelques personnes qui, abusant de la liberté que l’on a de se faire imprimer en Hollande, publièrent des écrits romanesques et satirique contre Louis XIV, contre le roi Jacques, et contre la reine son épouse ; mais ces libelles n’étaient goûtés que de la plus vile populace, et la plupart n’étaient pas écrits par des réfugiés.

1690.

Au milieu de cette guerre d’auteurs politiques et satiriques, on vit paraître sur la fin du mois d’avril 1690 un livre intitulé : Avis important aux réfugiés sur leur prochain retour en France, donné pour étrennes à l’un d’eux en 1690 ; par M. C. L. A. A. P. D. P. À Amsterdam, chez Jacques le Censeur, 1690. Ce livre était écrit en forme de lettre à un ami, datée de Paris le 1er. de janvier 1690. Dès l’entrée, l’auteur raillait les réfugiés sur les espérances qu’ils avaient conçues de voir des événemens extraordinaires en 1689. « Voici, dit-il, l’année 1669 expirée, sans qu’il soit rien arrivé de fort mémorable. Vous vous promettiez monts et merveilles dans cette année-là ; qu’elle serait fatale à l’église romaine en général, plus fatale encore à la France ; qu’on ne verrait que grandes crises d’affaires, que révolu-

  1. Bauval, Réponse à l’Avis de M. Jurieu, p. 33 et suiv., 39, 40.
  2. Bauval, Lettre sur les différens de M. Jurieu et de M. Bayle, p. 2.
  3. Lettres pastorales du 15 d’avril et du 1er. de mai 1689.
  4. Lettre du 1er. janvier 1689.
  5. Lettre du 15 de mai 1689.