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VIE DE M. BAYLE.

il attaqua violemment les protestans dans la suite de cet écrit intitulé : Réflexions sur les guerres civiles des protestans, et la présente invasion de l’Angleterre. Il dit que la révolution d’Angleterre ne l’a point surpris, parce qu’il sait de quoi est capable une religion accoutumée à porter les peuples à la révolte. Il ajoute que cet événement est une apologie de la conduite des princes qui ont purgé leur royaume d’une telle secte, et que la promptitude de ce changement, dont les protestans s’applaudissent, est un témoignage que la crainte d’être opprimés par les catholiques n’a point été le ressort de cette affaire ; qu’on n’a détrôné le roi Jacques que parce qu’il n’avait pas voulu épouser les passions des ennemis de la France, jaloux de sa prospérité ; mais que toutes les ligues formées contre Louis XIV ne faisaient qu’augmenter sa gloire, et agrandir partout l’idée de son pouvoir formidable. Il soutient que les princes catholiques ont donné de plus grands exemples de tolérance que les protestans. Il insulte à tout le corps des réfugiés sur les hautes espérances de quelques-uns, qu’il représente attendant, comme les juifs, un Messie qui subjuguerait les rois papistes, et irait faire son entrée triomphante dans Rome. Il trouve qu’il y a de la vanité aux Français réformés à regarder leur parti en France comme s’il était tout le parti protestant, et la ruine de leurs temples comme celle de toute la religion protestante. Il les accuse de se repaître de visions, de songes, et d’explications chimériques de l’Apocalypse, comme si l’édit de Nantes avait été le but et l’objet principal des oracles du Saint-Esprit, dans ce livre sacré. Enfin, il les accuse d’être animés de l’esprit de rébellion et de satire, et atteints d’une maladie invétérée et incurable, de se soulever d’un côté contre leurs légitimes souverains, et de l’autre de remplir toute la terre des plus infâmes calomnies qui se puissent imaginer. À la tête de ce petit livre, il y a un avis du libraire de Hollande, où l’on dit que l’auteur de cette réponse l’avait envoyée de Paris, in-4o., à celui de la lettre ; qu’on ne doute point que M. Pélisson n’y ait eu beaucoup de part, encore que le style en soit différent du sien, parce que c’est à un de ses intimes qu’a été écrite la lettre qui y a donné lieu. On ajoute qu’un très-habile auteur travaillait incessamment à une réplique, où l’on verrait l’une des plus délicates questions de morale, et surtout pour ce temps-là, traitée avec tous les agrémens et la fidélité possibles, et qu’on espérait de la distribuer dans peu de mois.

M. Bayle parle de cet écrit dans une de ses lettres à M. Roux. « On vient, dit-il [1], de nous critiquer à Paris, vous et moi, mais moins que M. Jurieu, dans une Réponse d’un nouveau converti, etc., laquelle réponse on prétend être d’un élève ou prosélyte de M. Pélisson. Si M. Pélisson y a quelque part, il faut qu’il ait cru le bruit très-faux qui a pu ar-

  1. Lettre du 24 de février 1689, p. 301.