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VIE DE M. BAYLE.

profonde avec quoi je suis, etc. »

La reine lui fit cette réponse le 14 décembre 1689.

Monsieur Bayle, j’ai reçu vos excuses ; et j’ai bien voulu vous témoigner par la présente que j’en suis satisfaite. Je sais bon gré au zèle de celui qui vous a donné occasion de m’écrire ; car je suis ravie de vous connaître. Vous témoignez tant de respect et d’affection pour moi, que je vous pardonne de bon cœur, et sachez que rien ne m’avait choquée que ce reste de protestantisme dont vous m’accusiez. C’est sur ce sujet que j’ai beaucoup de délicatesse, parce qu’on ne peut m’en soupçonner sans offenser ma gloire, et m’outrager sensiblement. Même, vous feriez bien d’instruire le public de votre erreur et de votre repentir. C’est ce qui vous reste à faire pour mériter que je sois entièrement satisfaite de vous.

Pour la lettre que vous m’avez envoyée, elle est de moi sans doute, et puisque vous dites qu’elle est imprimée, vous me ferez plaisir de m’en envoyer des exemplaires. Comme je ne crains rien en France, je ne crains aussi rien à Rome. Mon bien, mon sang, et ma vie même sont dévoués au service de l’Église ; mais je ne flatte personne, et ne dirai jamais que la vérité. Je suis obligée à ceux qui ont voulu publier ma lettre ; car je ne déguise pas mes sentimens. Ils sont, grâces à Dieu, trop nobles et trop dignes pour être désavoués. Toutefois, il n’est pas vrai que cette lettre est écrite à aucun de mes ministres. Comme j’ai des envieux et des ennemis, j’ai aussi des amis et des serviteurs partout, et j’en ai peut-être en France, malgré la cour, autant qu’en lieu du monde. Voilà la pure vérité ; c’est sur quoi vous pouvez vous régler.

Mais vous ne serez pas quitte à si bon marché que vous le croyez. Je veux vous imposer une pénitence, qui est, qu’à l’avenir vous prenez le soin de m’envoyer des livres de tout ce qu’il y aura de curieux en latin, et en français, espagnol, ou italien, et en quelque matière et science que ce soit, pourvu qu’ils soient dignes d’être vus. Je n’excepte pas même les romans, ni les satires ; et sur-tout, s’il y a des ouvrages de chimie, je vous prie de m’en faire part au plus tôt. N’oubliez pas aussi de m’envoyer votre journal. Je fournirai à la dépense que vous ferez. Il suffit que vous m’envoyiez le compte. Ce sera me rendre le plus agréable et important service que je puisse recevoir. Dieu vous prospère.

Christine Alexandre.
1687.

Il ne restait à M. Bayle que d’instruire le public de son erreur et de son repentir, pour mériter que cette princesse fût entièrement satisfaite : c’est ce qu’il fit à la tête de ses Nouvelles du mois de janvier 1687. « Nous avons appris avec une satisfaction incroyable, dit-il, que la reine de Suède ayant vu l’article 9 du journal d’août 1686, a eu la bonté d’agréer