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ZOROASTRE.

jours après sa mort, raconta les choses qu’il avait vues dans l’autre monde[1]. Ses narrations semblent prouver qu’il avait lu l’Iliade. Elles sont pour le moins une preuve démonstrative qu’il a vécu après le siége de Troie. Vous les trouverez dans Platon, au Xe. livre de la République[2]. C’est Clément d’Alexandrie qui suppose que cet homme-là ne diffère point de Zoroastre, ce qu’il prouve par la raison que celui-ci se déclare fils d’Arménius, et Pamphylien de naissance[3], et instruit divinement de plusieurs choses dans les enfers[4]. Or, puisqu’Arnobe remarque que ce Pamphilien fils d’Arménius a été aimé de Cyrus, voilà une tradition selon laquelle Zoroastre a paru au monde beaucoup plus tard qu’on ne croit, Armenius Zostriani nepos, et familiaris Pamphilus Cyri[5]. Ce sont les paroles d’Arnobe. M. de Valois observe qu’Armenius se prend là pour filius Armanii[6] ; le mot Cyri lui est suspect ; il aimerait mieux lire Nini, parce, dit-il, qu’il s’agit là d’un Zorostrate dont le premier livre de Ctésias avait fait mention. Or Ctésias n’avait commencé à parler des rois de Perse qu’au VIIe. livre, et il avait employé les six livres précédens à raconter les actions des Assyriens et celles des Mèdes. Je réponds qu’il n’est nullement certain qu’Arnobe prétende que Ctésias ait parle de ce fils d’Arménius. Notez que plusieurs critiques veulent qu’au lieu de Zostriani, on mette Ostanis ou Hostanis : mais ils ne prennent pas garde qu’ils attribuent à Arnobe un anachronisme bien grossier ; car Ostanes ayant suivi Xerxès dans l’expédition de Grèce[7], il n’est pas possible qu’il soit l’aïeul d’un ami de Cyrus.

Agathias, qui a vécu sous l’empire de Justinien, assure que, selon les Perses de ce temps-là, Zoroastre et Hystaspe avaient été contemporains. Mais ils ne disaient pas si cet Hystaspe était le père de Darius, ou quelque autre. M. Marsham décide tout net qu’il faut entendre le père de Darius[8] ; et il se fonde sur ce que l’un des éloges qui furent gravés sur son tombeau fut d’avoir été l’instructeur des mages, et sur ce que le même historien qui assure qu’Hystaspe a excellé en magie, l’a qualifié père de Darius[9]. Deindè (post Zoroastrem) Hystaspes rex prudentissimus Darii pater. Qui cùm superioris Indiæ secreta fidentiùs penetraret, ad nemorosam quamdam venerat solitudinem, cujus tranquillis silentiis præcelsa brachmanorum ingenia potiuntur : eorumque monitu rationes mundani motûs et siderum, purosque sacrorum ritus quantùm colligere potuit eruditus, ex his quæ didicit, aliqua sensibus magorum infudit : quæ illi cum disciplinis præsentiendi futura, per suam quisque progeniem, posteris ætatibus tradunt. Ex eo per sæcula multa ad præsens unâ eâdemque prosapiâ multitudo creata, deorum cultibus dedicatur[10]. Ammien Marcellin n’a pas eu raison de dire que ce père de Darius était roi, et peut-être n’a-t-il commis cette faute que pour avoir lu, en général, qu’un roi Hystaspe avait été un grand magicien, et pour avoir cru qu’il n’y avait point d’autre Hystaspe que le père de Darius. Mais il est sûr que l’on a parlé d’un roi Hystaspe, grand prophète, et plus ancien que la fondation de Rome. Hydaspes quoque, qui fuit Medorum rex antiquissimus, a quo amnis quoque nomen accepit, qui nunc Hydaspes dicitur, admirabilis omnium, sub interpretatione vaticinantis pueri ad memoriam posteris tradidit sublatum iri ex orbe imperium, nomenque Romanum ; multò ante præfatus, quàm illa Trojana gens conderetur[11]. Il faut lire Hystas-

  1. Plato, de Republ., lib. X, pag. 361.
  2. Pag. 361 et seq.
  3. Clem. Alexand. Strom., lib. V, pag. 599.
  4. Conférez ce qui a été dit de Pythagoras, tome XII, pag. 132, remarque (F) de son article.
  5. Arnob., lib. I, page 31.
  6. Henr. Valesius, in Ammian. Marcellin., lib. XXIII, pag. 374.
  7. Plinius, lib. XXX, cap. I, pag. 726.
  8. Marsham, Chron. Can., ad sæcul. IX, page m. 145.
  9. Porphyr., περὶ ἀποχῆς, lib. IV, num. 15, apud Marsham, ibid. M. de Valois, in Ammian. Marcellin., lib. XXIII, pag. 374, prétend que cet éloge fut gravé sur le tombeau de Darius, et non pas sur celui d’Hystaspe.
  10. Ammian. Marcellin., lib. XXIII, pag. m. 374.
  11. Lactant., lib. VII, cap. XV, pag. m. 492. Dans le chapitre XXVIII du même livre, il rapporte un passage de cet Hydaspe.