Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
427
SCIOPPIUS.

table date de la mort de Scioppius, car il n’en dit rien. Il est vrai qu’on a parlé fort diversement du temps où elle arriva ; mais c’était précisément la raison qui devait engager notre auteur à se déterminer. M. Baillet rapporte les différentes opinions des auteurs de ce temps sur ce point particulier ; mais constamment Scioppius mourut l’an 1649. Les preuves qu’en rapporte M. Bayle sont décisives. Patin place aussi cette mort sous cette année-là, et on ne peut pas en douter, quand on lit la 15e. lettre (de la première édition) du recueil de celles qu’on a publié de cet auteur [1]. On a oublié de parler dans la nouvelle édition [a], du plus sanglant des livres qu’il publia contre les jésuites, pour lesquels il avait une haine implacable ; c’est Anatomia Societatis [b], et de Stratagematis jesuitarum. Ce livre fit beaucoup de bruit, et ne fit pas tout l’honneur à Scioppius qu’il en espérait. Les meilleurs ouvrages de cet auteur, sont ceux [c] qui n’ont pas été publiés, et qui restèrent entre les mains du savant Pieruccius, son héritier universel. La conformité qu’il y eut dans les principes de ce célèbre critique, et dans ceux du jésuite Melchior Inchoffer, a fait croire que les mémoires de l’un avaient passé entre les

  1. Comme il faut écrire non-seulement pour ceux qui lisent, mais aussi pour ceux qui entendent lire, l’on ne doit pas se permettre un arrangement de mots équivoque, sous prétexte que l’on y remédie par le moyen d’une virgule. C’est pourquoi notre auteur devait dire, on a oublié dans la nouvelle édition de parler du plus, etc. Rem. de M. Bayle.
  2. L’Anatomia Societatis n’est pas le même livre, comme on le suppose ici, que celui De Stratagematis Jesuitarum, ce sont deux ouvrages différens. Le jésuite Forerus, qui a répondu à cette Anatomia, dénombre plusieurs autres livres de Scioppius contre la société, et le convainc de s’être souvent copié lui-même. Il lui attribue faussement le Mysteria Patrum Jesuitarum qui est un ouvrage d’André Rivet, professeur en théologie à Leyde. Au reste, il serait bon que les éditeurs du Moréri recherchassent l’origine de la haine de Scioppius pour les jésuites, car il en usa honnêtement avec eux pendant quelque temps. Il répondit pour eux dans son Ecclesiasticus aux accusations que le roi de la Grande-Bretagne leur avait intentées. Il est vrai que son apologie est indirecte, car elle ne consiste que dans un ramas d’une infinité de passages de Luther qui animent les protestans, etc., à exterminer les rois et les princes qui adhèrent au pape et qui s’opposent à le réformation de l’Église. Jamais homme n’excita plus chaudement les princes catholiques à l’extirpation des hérésies que Scioppius ; et néanmoins il fait un crime à Forerus (dans ses Stratagemata ) de cet esprit de violence. Tant il est vrai qu’il n’écrivait que par passion. Il aimait mieux se contredire et se critiquer soi-même, que de ne pas censurer ses ennemis. Rem. de M. Bayle.
  3. Cela pourrait être vrai de quelques-uns ; mais il y en a d’autres, ceux par exemple qu’il fit pour expliquer les Prophéties, qui valent moins que ce qu’il a publié. Peu de gens possédaient mieux la sainte Écriture que lui : il trouvait partout où en appliquer des passages dans ses disputes contre les protestans : on peut remarquer cette méthode nommément dans son Ecclesiasticus imprimé l’an 1611, et qui est une réfutation de l’apologie du roi Jacques pour le serment de fidélité. Mais il donne des sens nouveaux et forcés à la plupart des passages de l’Écriture qu’il cite. S’il faisait cela avant que d’être visionnaire, juges ce que peuvent être les écrits qu’il fit sur les prophéties étant devenu une espèce de fanatique. On doit remarquer que ses ouvrages de controverse ont toujours quelque tour nouveau ; et comme il avait lu d’un bout à l’autre toutes les œuvres de Luther afin d’en extraire tous les passages qu’un esprit satirique peut mettre en œuvre pour rendre odieux et méprisable ce réformateur, il s’est fait valoir de ce côté-là plus que la plupart des autres controversistes. Il est plus fort en citant des faits qu’en alléguant des raisons, quoiqu’à
  1. Dans les éditions de 1707 et 1712 on avait dit que Scioppius mourut en 1649 âgé de plus de quatre-vingts ans : mais dans celle de 1725 on marque qu’il mourut en 1649 âgé de soixante-treize ans. En effet, M. Bayle rapporte un passage de Scioppius, où il assure qu’il courait sa dix-septième année en 1593. Nouv. Observ.