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LYCURGUE.

défectueux qu’il l’était dans le supplément du Dictionnaire ; mais enfin il n’est pas encore exact : car il me semble qu’on ne distingue pas deux Lycurgue ; l’un orateur athénien, fils de Lycophron, et petit-fils d’un autre Lycurgue que les trente tyrans firent mourir ; et l’autre, législateur de Lacédémone. Ces deux personnages furent tout-à-fait différens, et c’était une faute grossière de les confondre, comme avait fait [a] l’auteur du supplément ; mais enfin ne trouvant dens la nouvelle édition [b] qu’un Lycurgue, cela marque encore la disposition où est l’éditeur de les confondre [1].

L’auteur du supplément avait bien fait des bévues dans cet article : une des principales est qu’en détruisant les paroles de Plutarque il faisait dire à cet auteur que Lycurgue chassa tous les fainéans et tous les vagabonds, au lieu que le mot grec rendu par celui de maleficus veut simplement dire qu’il chassa tous les malfaiteurs. Il le fait ensuite vainqueur dans les jeux qui se célébraient en présence du peuple, et Plutarque n’en dit pas un seul mot. Il fit plusieurs autres fautes grossières qui me persuadent que cet auteur n’était pas un grand grec. M. Faydit, en parlant de de Lycurgue dans son nouveau livre [* 1], doute [c]

  1. (*) Remarques sur Virgile, etc.
  1. Cette accusation n’est pas bien fondée. Moréri avait donné l’article de Lycurgue, législateur de Lacédémone. Puis donc que l’auteur du supplément donna l’article de quelques autres Lycurgue, et nommément celui de Lycurgue, orateur athénien (qualité sous laquelle il le fit connaître dès la première ligne), il n’a point confondu le législateur de Lacédémone avec l’orateur d’Athènes. Rem. de M. Bayle.
  2. N’ayant pas cette nouvelle édition, je me contente de dire qu’il y a plusieurs Lycurgue dans l’édition de Paris, 1699, et que le législateur de Lacédémone y est distinct visiblement de l’orateur athénien. Il y a été mis à sa place entre les autres Lycurgue. Mais, dans l’édition d’Amsterdam, 1698, il y a plus de 50 pages entre ceux-ci et Lycurgue le législateur ; et notez que l’un de ceux-ci y est mal nommé Lycurge, faute qui a été réparée dans l’édition de Paris, 1699. Rem. de M. Bayle.
  3. J’ai cherché dans ce livre de M. Faydit la page nécessaire, et, sans avoir été aucunement secouru par la table des matières, j’ai trouvé que c’est page 540. Je n’y ai point vu la faute que l’on marque ici, c’est-à-dire, le doute qu’il y ait eu deux Lycurgue. M. Faydit ne condamne point les auteurs qui distinguent le Lycurgue, roi de Thrace, d’avec celui de Lacédémone ; il dit seulement qu’ils avouent tous que ces deux Lycurgue ont vécu plus de trois cents années après la ruine de Troie : c’est sur cela qu’il nous renvoie à Moréri, et puis il conclut « qu’il y a de l’impertinence à Virgile d’avoir fait dire à Enée, parlant à Didon, qu’il avait passé le royaume des Thraces où le sévère Lycurgue avait régné autrefois dans des vieux temps.

    « Thraces arant, acri quondam regasta Lycurgo. »

    Mais 1°., on ne trouve point dans le Moréri que Lycurgue, roi de Thrace, ait vécu après la guerre de Troie. On n’y voit rien de précis touchant le temps de ce roi. On y trouve seulement de quoi conclure qu’il a vécu au temps fabuleux. 2°. Il est sûr que les anciens qui ont parlé de ce prince l’ont fait vivre avant la guerre de Troie. Homère, dans le VIe. livre de l’Iliade, introduit Diomède (l’un des capitaines grecs au siége de Troie), qui raconte comme une vieille histoire la punition de ce Lycurgue pour avoir chassé Bacchus. Apollodore, au livre 3 de Bibliothéque, pag. m. 175, marque de telle sorte les aventures de Bacchus par rapport à Lycurgue, roi de Thrace, qu’il s’ensuit manifestement que ce Lycurgue a précédé de plusieurs générations la guerre de Troie. Voilà qui justifie Virgile, et qui demande réparation de l’injure qu’il a reçue. Je serais fort curieux de savoir le nom des auteurs qui ont avoué que Lycurgue, roi de Thrace, a vécu plus de trois cents années après la ruine de Troie. Je n’en connais aucun qui ait dit cela. Au reste, l’article de ce roi de Thrace est encore bien défectueux dans le Moréri. Il y manque beaucoup de choses qui y doivent être, et l’on y a cité seulement Plutarque et Properce qui ne disent presque rien de ce que l’on a raconté. Rem. de M. Bayle.

  1. L’édition de 1707 distingue fort bien tous les Lycurgue ; et il y lieu de croire qu’il en est de même de celle de 1704. Nouv. Observ.