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ZÉNON.

comme une personne abandonnée de tout le monde. Après cette déclaration générale, il donna le nom de quelques particuliers, et dit au tyran qu’il souhaitait de lui parler à l’oreille. Le tyran s’étant approché, Zénon lui mordit l’oreille, et s’y acharna de telle sorte, qu’on ne put l’obliger qu’à force de coups d’aiguillons à lâcher prise. Εἶτα περί τινων εἰπὼν ἔχειν τινὰ εἰπεῖν αὐτῷ πρὸς τὸ οὖς· καὶ δακὼν, οὐκ ἀνῆκεν ἕως ἄν ἀπεκεντήθη, ταὐτὸν Ἀριςογειτονι τῷ τυραννοκτόνῳ παθών. Deinde cùm de quibus dixisset, quiddam sibi ad aurem loqui velle, eam mordicus apprehensam non antè dimisit quàm stimulis foderetur, idem agens quod Aristogiton tyrannicida[1]. D’autres disent qu’il emporta le nez au tyran[2]. Il y en a qui assurent qu’ayant déclaré ses complices[3], et donné le nom de peste de la patrie à l’usurpateur[4], il s’adressa aux assistans pour leur dire qu’il s’étonnait de leur lâcheté, si la crainte d’être traités comme lui les obligeait à demeurer dans la servitude ; et qu’enfin coupant sa langue, il la jeta sur le visage du tyran [5] ; ce qui émut de telle manière la bourgeoisie, qu’elle lapida tout aussitôt cet usurpateur de la liberté. Voilà ce que Diogène Laërce rapporte. Plutarque observe que Zénon coupant sa langue, et la jetant au visage d’un tyran, mit en pratique la maxime de son maître, que le déshonneur est redoutable aux grands hommes, mais qu’il n’y a que les enfans, les femmes et les hommes lâches, qui redoutent la douleur. Ζήνων τοίνυν ὁ Παρμενίδου γνώριμος, ἐπιθέμενος Δημύλῳ τῷ τυράννῲ, καὶ δυςυχήσας περὶ τὴν πρᾶξιν, ἐν πυρὶ τὸν Παρμενίδου λόγον, ὥσπερ χρυσὸν ἀκήρατον καὶ δόκιμον παρέσχε. Καὶ ἀπέδειξεν ἔργοις, ὅτι τὸ αἰσχρὸν ἀνδρὶ μεγάλῳ ϕοϐερόν ἐςιν· ἀλγηδόνα δὲ, παῖδες, καὶ γύναια, καὶ γυναίων ψυχὰς ἔχοντες ἄνδρες, δεδίασι· τὴν γὰρ γλῶτταν αὑτοῦ διατρὼγων, τῷ τυράννῳ προσέπτυσεν. Zeno Parmenidis discipulus, Demylo tyranno insidiatus, re infeliciter gestâ, doctrinam Parmenidis, velut aurum in igne, illæsam ac probam facto ostendit. Scilicet turpitudinem magno viro metuendam : dolorem à pueris et mulierculis, ac viris animem muliebrem gerentibus timeri. Linguam enim suam, dentibus amputatam, in tyrannum expuit[6]. Hermippus assure[7] que Zénon fut pilé dans un mortier.

Valère Maxime n’avait garde de ne pas parler de la constance de ce philosophe : mais il y a fait des fautes ; car au lieu de donner à Zénon d’Élée ce qui concerne le tyran Néarque, il le donne à un autre ; et outre cela il suppose que ce Zénon, voulant délivrer de la tyrannie de Phalaris les Agrigentins, fit et souffrit ce que d’autres content par rapport au tyran d’Élée. Qui (Zeno Eleates ) cùm esset in dispiciendâ rerum naturâ maximæ prudentiæ, inque excitandis ad vigorem juvenum animis promptissimus, præceptorum fidem exemplo virtutis suæ publicavit. Patriam enim egressus, in quâ frui securâ libertate poterat, Agrigentum miserabili servitute obrutum petiit, tantâ fiduciâ ingenii ac morum suorum fretus, ut speraverit, et tyranno et Phalaridi vesanæ mentis feritatem à se diripi posse. Postquàm deindè apud illum plùs consuetudinem dominationis, quàm consilii salubritatem valere animadvertit, nobilissimos ejus civitatis adolescentes cupiditate liberandæ patriæ inflammavit. Cujus rei cùm indicium ad tyrannum manâsset, convocato in forum populo, torquere eum vario cruciatûs genere cœpit : subindè quærens, quosnam consilii participes haberet : At ille nec eorum quempiam nominavit, sed proximum quemque, ac fidelissimùm tyranno suspectum reddidit : increpitansque Agrigentinis ignaviam ac timiditatem, effecit ut subito mentis impulsu concitati, Phalarim lapidibus pro-

  1. Diog. Laert., lib. IX, num. 26, p. 565, ex Heraclide in Satyri Epitome.
  2. Laert., ibidem, num. 27, ex Demetrio, in Æquivocis.
  3. Idem, ibidem, ex Antisth. in Successionibus.
  4. Μετὰ τὸ μηνύσαι τοὺς ϕίλους ἐρωτηθῆναι πρός τοῦ τυράννου, εἴ τις ἄλλος εἴη· τὸν δὲ εἰπεῖν, σὺ ὁ τῆς πόλεως ἀλητήριος. Illum quum amicos indicâsset, rogatum à Tyranno essetne alius quispiam, dixisse : Tu civitatis pernicies. Idem, ibid. Ceci se comprendra mieux si on le lit dans Sénèque à la fin de cette remarque.
  5. Conférez ce qui est dit dans l’article Pythagoras, cit. (85), tom. XII, pag. 138.
  6. Plut., adversùs Colotem, circa fin., pag. 1126. Vide etiam de Garrulit., pag. 505.
  7. Apud Diogen. Laërtium, lib. IX, n. 27.