Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
363
SUR LES OBSCÉNITES.

ner en ridicule l’église romaine ; on l’a trouvé bon sur ce pied-là ; il s’en est fait beaucoup d’éditions, et j’apprends qu’on vient de le réimprimer à la Haye. Peut-on voir un plus grand amas de turlupinades et de quolibets, et de mots bas et obscènes, que celui qu’on trouve dans quelques livres du sieur Sainte-Aldegonde qui néanmoins a été fort estimé et fort loué ? Le livre qu’un Allemand a fait annoncer dans le Nova Litteraria Maris Balthici, l’an 1690, et qui doit avoir pour titre, Sacra pontificiorum Priapeia, seu obscenæ papistarum in auricularibus confessionibus quæstiones quibus S. confessionarii innocentes puellas fœminasque ad lasciviam sollicitant, sera sans doute bien goûté et bien approuvé. Il fera néanmoins beaucoup de peine aux oreilles chastes, puisqu’il contiendra un recueil des questions obscènes des confesseurs. Et à propos de cela je me souviens de l’illustre Pierre du Moulin, qui a reproché aux catholiques romains les obscénités qui se lisent dans leurs ouvrages concernant la confession auriculaire. Il en a marqué [1] quelques-unes qui font horreur, et qui ne cèdent en rien à l’impureté dont Procope accuse l’impératrice Théodora. Plusieurs controversistes protestans [2] ont étalé les ordures des livres des confesseurs.

Pour parler d’une chose de plus fraîche date, je dis que les Aventures de la Madona et de François d’Assise, publiées [3], l’an 1701, sont un livre où à la vérité tous les termes sont fort honnêtes ; mais les idées que l’auteur [4] veut que l’on ait sont si infâmes, si horribles, et si monstrueuses, qu’il n’y a que Lucien et ses semblables qui en puissent soutenir l’énormité. Cela ne donne point de scandale aux protestans, ils ont jugé au contraire que l’auteur ayant eu pour but de faire sentir le ridicule du papisme sans aucune controverse, a rendu service à la bonne cause. On s’est plaint de quelque chose qu’il avait dite en faveur de Nestorius, mais non pas du reste, qui, comme je l’ai déjà dit, étonne, atterre, et fait frissonner le corps et l’âme [5]. M. de Meaux ayant été obligé d’insinuer un trait semblable, pour faire connaître les fureurs d’une visionnaire [6], a cru avoir contracté quelque souillure, et y a cherché du remède par cette oraison : « Mais passons ; et vous, ô Seigneur, si j’osais, je vous demanderais un de vos séraphins avec le plus brûlant de tous ses charbons, pour purifier mes lèvres souillées par ce récit, quoique nécessaire [7]. » Notez bien ce dernier mot : il porte beau-

  1. Dans sa Nouveauté du Papisme.
  2. M. Jurieu, entre autres, dans son Apologie de la Réformation, tom. I, p. 150 et suiv., édition in-4o.
  3. À Amsterdam.
  4. M. Renoult, ci-devant cordelier, et à présent ministre du saint évangile à Londres.
  5. Voyez l’article Nestorius, t. XI, pag. 119, rem. (H).
  6. Mais qu’était-ce enfin que ce songe ? et qu’est-ce qu’y vit cette femme si pénétrée ? Une montagne, où elle fut reçue par Jésus-Christ, une chambre, où elle demande pour qui étaient les deux lits qu’elle y voyait : en voilà un pour ma mère, et l’autre pour vous, mon épouse. Et un peu après : je vous ai choisie pour être ici avec vous. M. de Meaux, Relation sur le Quiétisme, pag. 28, édit. de Bruxelles, 1698.
  7. Là même.