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ÉCLAIRCISSEMENT

ses apôtres : Suis-moi [1], crois et tu seras sauvé [2]. Or cette foi qu’il exigeait ne s’acquérait point par une suite de discussions philosophiques, et par de grands raisonnemens : c’était un don de Dieu, c’était une pure grâce du Saint-Esprit, et qui ne tombait pour l’ordinaire que sur des personnes ignorantes [3]. Elle n’était pas même produite dans les apôtres par l’effet des réflexions sur la sainteté de vie de Jésus-Christ, et sur l’excellence de sa doctrine et de ses miracles. Il fallait que Dieu lui-même leur révélât que celui dont ils étaient les disciples était son fils éternel [4]. Si Jésus-Christ et ses apôtres sont descendus quelquefois au raisonnement, il n’ont point cherché leurs preuves dans la lumière naturelle, mais dans les livres des prophètes, et dans les miracles ; et si quelquefois saint Paul s’est prévalu de quelque argument ad hominem contre les gentils, il n’y a guère insisté. Sa méthode était entièrement différente de celle des philosophes. Ceux-ci se vantent d’avoir des principes si évidens, et un système si bien lié, qu’ils n’ont point à craindre d’autres obstacles de persuasion que l’esprit stupide des auditeurs, ou que la malice artificieuse de leurs émules, et ils s’exposent à rendre raison de leur doctrine à tout le monde, et à la soutenir contre tout venant. Saint Paul au contraire reconnaît que sa doctrine est obscure, qu’il ne la sait qu’imparfaitement [5] ; et qu’on n’y peut rien comprendre à moins que Dieu ne communique un discernement spirituel, et que sans cela elle ne passe que pour folie [6]. Il confesse [7] que la plupart des personnes converties par les apôtres étaient de petite condition et ignorantes. Il ne défie point les philosophes à la dispute, et il exhorte les fidèles à se tenir bien en garde contre la philosophie [8], et à éviter les contestations de cette science qui avait fait perdre la foi à quelques personnes [9].

Les anciens pères se sont réglés sur le même esprit, ils exigeaient une prompte soumission à l’autorité de Dieu, et ils regardaient les disputes des philosophes comme l’un des plus grands obstacles que la vraie foi peut rencontrer dans son chemin [10]. Le philosophe Celse se moqua de la conduite des chrétiens, Qui ne voulant, disait-il [11], ni écouter vos raisons, ni vous en donner de ce qu’ils croient, se contentent de vous dire, N’examinez point, croyez seulement ; ou bien, Votre foi vous sauvera ; et ils tiennent pour maxime que la sagesse du monde est un mal... S’ils se renferment, à l’ordinaire, dans leur, N’exami-

  1. Évangile de saint Luc, chap. V, vers. 27, et chap. IX, vers. 59.
  2. Actes des Apôtres, chap. XVI, v. 31.
  3. Évangile selon saint Matthieu, ch. XI, vers. 25.
  4. Là-même, chap. XVI, vers. 17.
  5. Ire. Épître aux Corinth., chap. XIII, vers. 12.
  6. Là même, ch. II, vers. 14
  7. Là même, ch. I, vers. 26.
  8. Ire. Épître aux Colossiens, chap. II, vers. 8.
  9. Ire. Epître à Timothée, chap. VI, vers. 20, 21.
  10. Voyez les passages des pères, que M. de Launoi a compilés au chap. II du livre de Variâ Aristotelis Fortunâ.
  11. Origène, contre Celse, liv. I, chap. II, pag. 5 de la version de M. Bouhéreau.