Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
SUR LE PRÉTENDU JUGEMENT DU PUBLIC.

personne des auteurs qui ont parlé historiquement des impuretés de la vie humaine, ou qui, ayant déclaré qu’ils sont fermement unis à la foi de leur église, portent comme des jeux d’esprit ce que la raison peut alléguer sur ceci ou sur cela. Il est inouï, dis-je, que de tels auteurs aient été excommuniés lorsqu’ils déclarent, comme moi, que toutes ces vaines subtilités de philosophie ne doivent servir qu’à nous faire prendre pour guide la révélation, l’unique et le vrai remède des ténèbres dont le péché couvre les facultés de notre âme ; et qu’ils sont prêts même à effacer tous ces jeux d’esprit, si on le trouve à propos. Notez que les nouvellistes de mon adversaire ont eu assez de bonne foi pour lui rapporter que j’étends partout quelque voile, derrière lequel je me réserve une retraite pour le cas de nécessité : c’est qu’il faut s’en rapporter à la révélation, et soumettre la raison à la foi. Pouvais-je choisir une meilleure retraite ? Un homme qui a cherché sa félicité dans les avantages de la terre, et qui n’ayant pu la rencontrer nulle part s’attache à Dieu comme à l’unique souverain bien, ne fait-il pas le meilleur usage qu’il puisse faire de sa raison ? Ne faut-il pas dire la même chose d’un philosophe qui, cherchant en vain la certitude par les lumières naturelles, conclut qu’il faut s’adresser à la lumière surnaturelle, et s’attacher à cela uniquement ? Ne serait-ce pas le conseil que David, et tous les autres prophètes et les apôtres donneraient aux sages du monde ? Quoi ! je ne serais pas à couvert des foudres de l’excommunication dans un asile si sacré, si inviolable ! Les théologiens eux-mêmes seraient les premiers à ne le pas respecter ! Je ne puis croire cela ; et ainsi notre anonyme juge témérairement.

Je ne puis pas convenir que les rapporteurs aient toujours de la bonne foi ; car ils ont fait accroire au censeur que je ne parle de la soumission à l’Écriture, qu’en disant et après avoir dit tout ce qui se peut imaginer pour affaiblir l’autorité de la révélation et des écrivains sacrés. Cela est très-faux, et je les défie d’en donner la moindre preuve. Il ne paraît pas qu’ils lui aient allégué d’autres raisons que celles que j’ai réfutées ci-dessus, num. VI et num. XXI, et celle qu’ils ont fondée sur mon article de David. Je ne sais pas s’ils lui ont parlé de mon éclaircissement ou non : s’ils n’en ont rien dit, ils sont très-blâmables ; mais, s’ils en ont fait un rapport fidèle, il ne peut se justifier d’un artifice très-indigne d’un homme d’honneur : car les lois de la dispute ne permettent pas que l’on supprime ce qui sert à justifier les gens. Voilà sa coutume éternelle, il ne s’attache qu’à ce qui lui sert, et il le tourne de la manière la plus odieuse, par des hyperboles violentes. Tout ce que j’ai dit de quelques actions de David revient à ceci, qu’elles peuvent bien passer pour conformes à l’art de régner, et à la prudence humaine, mais non pas aux lois rigoureuses de la sainteté. Conclure de là que je l’ai dépeint comme un scélérat, c’est fouler aux pieds