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SUITE DES RÉFLEXIONS

mon imprimeur a surpris le privilége. Ce mensonge a plus de têtes que Cerbère ; car il suppose que les états de Hollande auraient fait examiner mon livre s’ils n’avaient été trop occupés : pensée chimérique ! Comme si un ordre donné en deux mots à des professeurs de Leyde eût pu interrompre les soins des affaires générales. Mais d’ailleurs notre homme suppose qu’en temps de paix les priviléges ne s’accordent que pour des livres examinés et approuvés : autre chimère ! Messieurs les États ne les accordent que pour la sûreté de l’imprimeur, et nullement comme une marque de l’approbation des livres ; car ils déclarent qu’ils ne prétendent point en autoriser le contenu. Enfin jamais privilége n’a été moins obtenu par surprise que celui-ci ; car il n’a été accordé qu’après un long examen de l’opposition des imprimeurs du Moréri.

XXV. Le premier extrait assure que je suppose qu’il n’y avait pas d’historien des Mores. Mais il est visible que je ne suppose sinon que nous n’avons point une histoire particulière d’Abdérame. Le deuxième extrait débite que j’ai travaillé sur des mémoires qui m’ont été envoyés de France. J’ai toujours marqué d’où je recevais quelque chose. Qu’on joigne ensemble ce que j’ai reçu de ce pays-là, on n’en pourra point remplir dix pages.

XXVI. Il y a dans le neuvième extrait une chose que je regarderai toujours comme un horrible mensonge, à moins que je ne voie un certificat de M. l’évêque de Salisbury. Un tel discours est si peu conforme à l’idée que j’ai de l’esprit et de la science de ce grand prélat, que je ne puis l’en croire capable. Un si habile homme aurait trouvé l’athéisme dans un ouvrage où l’on établit cent fois que la raison se doit taire quand la parole de Dieu parle ! N’est-ce point le principe de l’orthodoxie la plus sévère dans l’une et dans l’autre communion ? Une autre chose me fait croire qu’il y a ici beaucoup d’imposture : Le public n’a que faire de leurs différens personnels, a dit ce prélat avec indignation, si l’on s’en rapporte à l’extrait. Quelle apparence qu’il ait parlé de la sorte, puisqu’il est visible que je ne fais aucune mention de ces différens ? Je censure mon adversaire sur des fautes que je montre dans ses écrits, ou par des réflexions générales qui lui peuvent être appliquées ; mais je ne touche point à nos démêlés. En un mot, tout ce que j’ai fait se trouve enfermé dans le ressort ou dans la juridiction d’un écrivain qui donne une histoire accompagnée d’un commentaire critique. On n’en peut disconvenir, si l’on est capable de juger avec connaissance de cause. J’ai un plein droit, par exemple, d’alléguer comme des faits tous les faux pas dont mon adversaire a été taxé dans les quatre tomes de M. Saurin. Je me sers de cet exemple afin qu’on voie en passant le ridicule de ses espérances. On le peut faire vivre dans une critique, non pas comme l’ennemi mortel des libertins, mais comme atteint et convaincu de mille défauts honteux par un célèbre mi-