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SUR LE PRÉTENDU JUGEMENT DU PUBLIC.

reau a publié contre la pratique de ce temps-là. Nous voulons paraître plus sages que nos pères, et nous le sommes moins qu’eux. Cet avocat au parlement de Paris obtint aisément un privilége pour publier un ouvrage où il étalait toutes les ordures du congrès ; et l’on fera en Hollande cent criailleries contre un auteur qui copie quelques endroits de cet ouvrage ! N’est-ce point là une acception de personnes fondée ou sur des travers d’esprit, ou sur le déréglement du cœur ?

VIII. Mais, dira-t-on, cet avocat ne donna cet étalage que pour obliger les juges à faire cesser une pratique opposée à la pudeur, et sujette à l’iniquité. Et moi ne déclaré-je pas, jusqu’à témoigner la dernière indignation, que cette pratique était infâme, parce qu’elle énervait les principes de la honte, la source la plus précieuse de la chasteté ? Peut-on prendre le bon parti avec plus d’ardeur que je l’ai pris dans cet article ?

Outre cela, en qualité d’historien, n’ai-je pas eu droit de raconter une procédure qui a subsisté longtemps dans le ressort du parlement de Paris, et qui n’est pas abrogée partout ailleurs ? La manière de procéder dans toutes les causes civiles et criminelles appartient sans doute aux faits historiques ; et si elle a quelque chose de singulier, il se trouve bien des voyageurs et bien des faiseurs de relations qui s’en instruisent curieusement. Quel plaisir n’eût-ce pas été à un Piétro della Vallé de trouver en Perse un livre qui l’eût instruit d’une coutume bizarre, aussi-bien que Tagereau le pouvait instruire sur le cérémoniel du congrès ? Je demande si les procès verbaux des jurés et des matrones, dans certaines causes, sont des pièces à rejeter quand on fait des compilations exactes de tous les us et coutumes d’un certain pays ? Furetière, qui ne faisait pas un dictionnaire historique commenté, mais un dictionnaire de grammaire, s’est servi de ces verbaux. Qui est-ce qui en a murmuré ?

IX. Ne quittons point cette matière sans avertir nos criards, copistes et distributeurs d’extraits de lettres, que M. Menjot, que peut-être ils ont fort connu, et qui était un parfaitement honnête homme, a mis beaucoup de lascivetés dans une dissertation sur la fureur utérine, et sur la stérilité. On serait ridicule de l’en censurer, puisqu’en qualité de médecin il a eu droit de le faire : son sujet l’a demandé, ou l’a permis. Or je leur apprends qu’un compilateur qui narre et qui commente a tous les droits d’un médecin et d’un avocat, etc., selon l’occasion : il se peut servir de leurs verbaux et des termes du métier. S’il rapporte le divorce de Lothaire et de Tetberge, il peut donner des extraits d’Hincmar, archevêque de Reims, qui mit par écrit les impuretés que l’on avéra pendant le cours de la procédure. On ne devrait jamais juger d’un historien commentateur qu’après s’être instruit des lois historiques, et des priviléges du commentaire. Si ces messieurs avaient lu celui d’André Tiraqueau, sur les lois du mariage, ils y au-