Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
RÉFLEXIONS

veaux, qui ne sont pas dignes d’être réfutés, ou qui le seront en temps et lieu. Au bout du compte, après avoir tant déclamé, on verra que les trois exemples qu’il indique le confondent. Il allègue une comparaison sur la chute d’Ève, un passage de saint Paul appliqué aux abéliens, et une phrase sur le dessein d’Abélard. Le premier exemple est une objection que j’ai proposée aux sociniens, avec le ménagement de termes que la chose demandait ; ou que je suppose que les manichéens font aux jésuites. Il n’y a nulle profanation dans le second, ni aucune saleté dans le troisième. J’en fais juges tous les lecteurs équitables et intelligens, et je veux bien qu’ils en décident sans m’entendre. Voilà le sort ordinaire de nos déclamateurs. Pendant qu’ils se tiennent à des plaintes générales, ils surprennent les suffrages : mais demandez-leur un endroit particulier, il se trouve qu’ils ont donné de travers, qu’ils ont pris pour ma doctrine les conséquences qui résultent des hérésies que je combats, et que d’une mouche ils ont fait un éléphant. Cela m’oblige à leur donner charitablement ce mot d’avis. Messieurs, je vous le dis sans rancune, ne parlez jamais de mon Dictionnaire que chez des gens qui ne l’ont pas ; car si on vous l’apporte pour vous obliger à la preuve, vous y serez attrapés. Cela vous arrive tous les jours aux uns ou aux autres. Vous n’avez pas été assez fins ; la passion vous a aveuglés, vos hyperboles ont été cause qu’on s’est attendu à trouver dans chaque page l’abomination du Parnasse satirique, et l’on n’a trouvé que des bagatelles qui se disent tous les jours parmi les honnêtes gens, que vous diriez fort bien ou dans une promenade divertissante, ou à table avec vos amis. Quittez l’amplification, faites en sorte que l’idée que vous donnerez n’égale pas la chose même. Cette matière de nuire ne rejaillira point sur vous.

VII. On peut joindre aux trois exemples qu’il a cotés ce qu’il a dit contre l’article où je rapporte des passages d’un livre à Tagereau [1]. Il ne pouvait pas choisir plus mal un sujet de plainte ; car je ferai voir en temps et lieu, que toutes sortes de droits m’ont autorisé à insérer dans mon ouvrage ce que j’ai dit du congrès. J’ai pu dire, en qualité d’historien, que Quellenec fut accusé d’impuissance, et que ce fut sa belle-mère et non pas sa femme qui lui intenta ce procès. Je devais à la vérité cette remarque en faveur d’une héroïne de notre parti. Comme historien fidèle j’ai dû critiquer ceux qui ternissent la gloire de cette dame, en supposant qu’à son âge le plus tendre elle suscita un tel procès. C’est déclarer que je ne crois point qu’il soit glorieux à une femme de s’engager à de telles procédures. Tout auteur a droit de faire voir les raisons de ses sentimens. Ainsi, en qualité de commentateur de mon propre texte, j’ai pu, et j’ai dû étaler les preuves de l’opinion que j’avançais, et rapporter par conséquent ce que Tage-

  1. Dans l’article Quellenec, tom. XII, pag. 377.