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SUR L’HIPPOMANES.

Quialten. Grande complication de bévues ; car, 1°. Héraclée est bien le nom d’une infinité de villes [a], mais non pas le nom d’une province [b] ; 2°. Du moins est-il sûr qu’il n’y a point eu de province qui portât ce nom dans tout le Péloponnèse ; 3°. il y avait bien dans l’Élide une ville, ou un bourg de ce nom-là [c] ; mais ce n’était point un lieu qui contînt des pièces du trésor d’Olympie ; 4°. enfin ce Quialten est une absurdité monstrueuse. Voici, ce me semble, comment Héraclée et Quialten se sont fourrés là. Pausanias, venant de parler de quelques dons que la ville d’Héraclée, sur le Pont-Euxin, colonie des Mégariens, avait consacrés, observe que vis-à-vis de ceux-là il y en avait d’autres consacrés par Phormis, etc., et que les deux chevaux dont ce Phormis fit présent à Jupiter étaient dans l’Altis, c’est à dire dans le lucus ou dans le bocage qui était une dépendance du temple.

IX. Fautes de Jean-Baptiste Porta, et de Boaistuau, et du Commentaire sur du Bartas.

J’ai vu dans une traduction française de la Magie naturelle, de Jean-Baptiste Porta [d], un assez long chapitre sur l’hippomanes, que je ne trouve point dans mon édition latine [e]. La narration de Pausanias est assez fidèlement rapportée, à deux faussetés près ; l’une qu’Arcas, Olympien, mêla de l’hippomanes avec l’airain de la statue ; l’autre qu’il fit une jument. On veut qu’Élien rapporte la même histoire, mais on se trompe. Jean Wier [f] n’a évité que la première de ces trois fautes : il a dit que Phormis d’Arcadie fit l’épreuve de l’hippomanes dans Olympie, novit vim Olympiæ Phormis Arcas. Notez que la Magie naturelle de Baptiste Porta, imprimée en latin à Francfort, 1607, est divisée en XX livres. Quelques éditions précédentes, sur lesquelles la version française que je cite a été faite, n’en contiennent que quatre. Le latin de cet auteur ne dit point qu’Arcas, olympien, mêla de l’hippomanes, etc. ; mais que Phormis, arcadien, reconnut la vertu de l’hippomanes à Olympie, tantam in eo vim novit Olympiæ Phormis Arcas. Je crois que Cardan a été cause de l’erreur où est tombé un certain Pierre Boaistuau, surnommé Launai, natif de Bretagne (car c’est ainsi qu’il aimait à faire connaître ses titres), fort loué par la Croix du Maine. Qui ne sera espouvanté, dit-il [g], de ce que Pausanias, historien grec, recite avoir esté fabriqué en Heraclée, province de Peloponnese, par un certain artisan, lequel composa un cheval d’airain ayant

  1. Voyez Salmas. in Flor., lib. I, cap. XVIII.
  2. On ne prétend pas nier qu’il n’y ait eu quelques petites île de ce nom.
  3. Strabon, Pausanias et Étienne de Byzance en font mention, mais non pas Emmius, dans sa Græcia Antiqua, ni Ortelius, ni Lloyd, ni Hofman, ni Baudrand, dans leurs Dictionnaires.
  4. Imprimée à Rouen, 1626, in-12. Le chapitre qui traite de l’hippomanes est le XXVIIe du liv. II. Il se trouve parmi les Secrets de Weckher, comme venant de Baptiste Porta.
  5. De Francfort, 1607, in. 8°.
  6. De Lamiis, cap. XXXVIII.
  7. Traité de l’Excellence de l’Homme, imprimé à la fin du Théâtre du Monde, par le même auteur.