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DISSERTATION

celui qu’ils diffament, et qui se trouve convaincu : il ne veut pas même qu’ils soient exempts de punition, lorsqu’ils ne disent que la vérité. Per hoc autem quod verum scripserit infamans nullam meretur excusationem, si quidem veritatem criminis per libellum famosum pandere non licet, et edens libellum famosum injuriarum tenetur ; nec admitti debet edens libellum famosum et injuriarum conventus ad probationem veritatis criminis. Johannes Thilemannus de Benignis, alias Goth., Obs. Practi. 86. Quod etiam confirmatur per constitutionem Caroli V criminal., artic. 110, in f. ubi hæc verba habentur : Et licet illata injuria prætensi facti vera esset, debet tamen diffamator talis injuriæ secundum jus et arbitrium judicis puniri [a]. En France, le fameux édit de janvier les condamna eux et leurs fauteurs à être fustigés ; et, en cas de récidive, à être punis de mort. Ne quis infames libellos ad quemquam traducendum faciat, divendat, aut divendendos curet. Qui secùs faxit, primùm fustigium ; secundùm, capitalis pœna indicta esto [b]. J’entends ici par fauteurs ceux qui procuraient la publication ou le débit d’un libelle. Cela fut renouvelé sous Henri III, l’an 1577. La loi des empereurs Valentinien et Valens est bien rigoureuse : car elle soumet à la peine capitale ceux qui, en rencontrant un libelle par cas fortuit, le faisaient connaître au lieu de le déchirer ou de le brûler. Si quis famosum libellum, sive domi sit sive in publico, vel quocunque loco etiam ignarus repererit, nec statim corruperit, aut igne comsumpserit, sed vim ejus manifestaverit, quasi auctor hujusmodi delicti sententiæ capitali subjiciatur. Voyez le Mascurat de Naudé, à la page 657. Mais tant d’amorces de prolixité n’empêcheront point que je ne m’arrête dès que j’aurai rapporté un fait que je me souviens d’avoir promis, et trois ou quatre autres considérations.

Le pape Hadrien VI entendit raison lorsqu’on lui représenta que le remède dont il se voulait servir contre la licence des pasquinades serait inutile. Employons ici les paroles de M. Fléchier : « Une infinité de libelles couraient alors par toute l’Espagne contre la cour de Flandre, et contre Ximénès lui-même. Les [* 1] Flamands, qui n’étaient pas accoutumés à ces sortes de satires piquantes et ingénieuses, en firent des plaintes, et le cardinal eut ordre d’en rechercher les auteurs et les imprimeurs, et de les châtier rigoureusement. Il fit faire, par forme, quelque visite chez les libraires ; mais si légèrement que personne n’en fut en peine. Il était d’avis de laisser aux inférieurs la liberté de venger leur douleur par des paroles ou par des écrits qui ne durent qu’autant qu’on s’en offense, et perdent leur agrément et leur malignité quand on les méprise. Alfonse Castille, gouverneur de

  1. (*) Alvar. Gomes de Reb. gest. Ximen., lib. VII.
  1. Gilhausen, in Tit. Pandect., de Injuriis et famosis Libellis, pag. 225, 226.
  2. Commentat. de Statu Relig. et Reip. in regno Gall, ad ann. 1561.