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SUR LE LIVRE DE JUNIUS BRUTUS.

dans l’édition de 1660. Je m’étonne qu’il n’ait point cité Milton, qui parle ainsi dans l’un de ses livres : Doctrina hæc nobis haud magis quàm Gallis quos tu hoc piaculo cupis eximere debetur : undè enim Francogallia illa nisi ex Galliâ ? undè Vindiciæ contrà Tyrannos ? qui liber etiam Bezæ vulgò tribuitur [a]. Au reste, plusieurs ont cru que Milton était l’auteur de l’Apologie de Jean Philippe. M. de Saumaise l’assure sans hésiter [b]. D’autres usent d’alternative ; ils disent qu’il la composa, ou qu’il fut cause qu’on la publia. Eamdem culpam commissam fuisse in Responsione Philippi Angli ad Apologiam Anonymi cujusdam, etc. aliquando Hartlibo scripsi, cujus libri authorem esse Miltonium, saltem ejus consilio publicatum, firmissimè creditur [c].

V. Auteurs qui ont ignoré en dernier lieu qui est Junius Brutus.

Depuis la dissertation de M. Voët, il a été plus facile de savoir à quoi s’en tenir sur Junius Brutus ; et cependant M. Colomiés, et l’auteur des Nouvelles de la République des Lettres, n’avaient que de fort légères teintures sur ce fait-là, l’un en 1668, l’autre en 1686 [d]. Bien plus, M. Arnauld composant son apologie pour les Catholiques en 1682, et tirant du livre de Junius Brutus tout ce qu’il y put trouver de plus propre à rendre suspecte aux princes la doctrine des protestans sur l’autorité souveraine, ne s’avisa jamais de fortifier ses preuves par des considérations prises de la personne de l’auteur ; ce qui montre visiblement qu’il ne savait pas à qui l’on attribuait l’ouvrage. Je remarque toutes ces petites choses afin de montrer que ceux d’entre les protestans qui ont dit, dans ces dernières années [e], que Junius Brutus état un inconnu, un homme sans nom, sans caractère sans autorité, ont pu parler de la sorte sans supercherie, quoique l’un des libelles dont j’ai parlé au commencement de cette Dissertation veuille insinuer le contraire. J’entends cette manière de sermon où l’on censure d’un prétendu penchant pour les libelles et pour les guerres civiles, avec autant de véhémence que jamais ministre en ait témoigné dans un sermon de jour de jeûne, en décriant ses auditeurs comme coupables de la transgression du Décalogue.

XVI. Désaveu donné aux libelles de quelques particuliers.

Et puisque l’occasion s’en présente, il ne sera pas hors de propos de dire ici que les violens reproches de ce sermoneur ont produit un bon effet. Peut-être ne sont-ils pas cause que les méchans petits livres satiriques tombent moins dru qu’auparavant (C) ; mais au moins est-il certain qu’ils ont obligé les plus excellentes plumes du parti

  1. Johannes Miltonus, Defens. secunda, pag. 99, edit. Hag., 1654.
  2. Salmas, Respons. ad Jo. Miltonum, pag. m. 19.
  3. Hadrianus Ulacq, in præfatione Apologiæ secundæ Miltoni, edit. Hag., 1654.
  4. Voyez ci-dessus, citations (k) et (l), et (m).
  5. Daillon, Examen de l’Oppression des Réformés, 1687. Jurieu, Réponse à Maimbourg, 1683.