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DISSERTATION

le moins cinq dont le silence ne prouve rien. Voici ceux qu’il nomme [a], Charpentier, Baudouin, Castalion, Érastus, Morellus, Saravia, Montaigu, Tilénus, Ladus, et le docteur Bramble. Pour Charpentier, qui a dit beaucoup de mal de Théodore de Bèze, dans la violente satire qu’il écrivit à François Portus, l’an 1972 [b], il ne pouvait pas parler de Junius Brutus, qui ne parut que quelques années après [c]. Baudouin et Castalion morts, celui-là en 1573, celui-ci en 1563, en ont pu parler encore moins. Thomas Érastus, il est vrai, a écrit contre Théodore de Bèze sur la matière de l’excommunication ; mais ce fut long-temps avant que le livre de Junius Brutus eût paru. La réponse d’Érastus est datée du 24 de décembre 1569 : le nom de Bèze ne paraissait point dans l’original [d]. Ce ne fut qu’après la mort d’Érastus que l’on imprima son livre l’an 1589 : ceux qui le rendirent public y fourrèrent le nom de Bèze. Ces deux antagonistes en manuscrit s’étaient fait cent amitiés à Bâle depuis la dispute. Pour ce qui est de Morellus, je ne pense pas que depuis le synode national tenu à Nîmes, l’an 1572, où son sentiment fut condamné, il ait paru sur les rangs. Cet homme avait soutenu, dès l’an 1562, que le droit d’excommunier appartenait, non aux consistoires et aux synodes, mais à tout le corps de l’église. Il fut excommunié pour ce sentiment ; et l’écrit qu’il publia sur cette matière fut brûlé, et défenses furent faites à toutes personnes de le lire [e]. Il ne laissa pas de persister dans son opinion, et il fut, en 1572, l’un des membres de la cabale qui tâcha de faire changer de telle sorte la discipline des églises, que désormais le pouvoir des clefs fût administré par tout le corps du troupeau [f]. Ramus était l’un des piliers de cette cabale [g]. Bèze, qui assista au synode national de Nîmes, l’an 1572 ; s’opposa et de vive voix et par écrit au dessein de ces factieux, et le fit aller en fumée. Quoiqu’il en soit, on ne saurait plus nier qu’avant l’année 1660, l’écrit de Junius Brutus n’ait été souvent donné à Théodore de Bèze dans des livres imprimés : néanmoins celui qui le publia à Amsterdam cette année-là n’en savait rien ; car toute la raison qu’il donne pourquoi il a voulu que le livre fut allongé de cette queue, sive, ut putatur, Theodoro Bezâ autore, est qu’il avait vu un exemplaire sur lequel un savant professeur avait, écrit que Bèze avait composé ce livre. Cela détruit la conjecture de M. Placcius [h], savoir que l’auteur anglais qu’il cite a été cause que le nom de Bèze a paru

  1. Voëtius, Disput., tom. IV, pag. 234.
  2. Touchant cette lettre, voyez ci-dessus remarque (A) de l’article Charpentier, tom. V, pag. 85.
  3. Je ne crois pas que Charpentier ait rien écrit depuis l’impression du Vindiciæ contra Tyrannos.
  4. Voyez la préface de Bèze, au traité de verâ Excommunicatione.
  5. Voyez le livre de Thomas Erastus, de Excommunicatione, pag. 69, 70.
  6. Ant. Fayus, in Vitâ Th. Bezæ, p. 49. Voyez aussi Bèze, Hist. ecclesiast., lib. VI, pag. 34.
  7. Simler., in Vitâ Bullingeri, fol. 45.
  8. Placcius, de Scriptor. anonymis, pag. 169.