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SUR LE LIVRE DE JUNIUS BRUTUS.

des écrivains anonymes et pseudonymes tout le passage de M. Colomiés, sans y apposer le correctif de la seconde édition de d’Aubigné. Il rapporte aussi un passage de Boéclérus, que je trouve fort changé dans mon édition [a], quoiqu’on n’avertisse pas au titre qu’elle soit différente de la première ; mais pour la substance de ce que M. Placcius rapporte, je la trouve en son entier dans mon édition : savoir, 1°. que Grotius, dans son Apologie contre M. Rivet, attribue à du Plessis Mornai l’ouvrage de Junius Brutus ; 2°. qu’on a pourtant vu à Lausanne quelques pages de ce livre écrites, tant de la propre main de Languet, que de la manière qu’un auteur écrit (B). Il entend sans doute que l’on y voyait des renvois et des ratures, ou tels autres caractères qui distinguent l’original de l’auteur d’avec les copies. Cependant Boéclérus ne paraît pas tout-à-fait certain, dans cette citation de Placcius, que Languet ait composé le livre ; et il le paraît encore moins dans un autre ouvrage cité par le même Placcius [b] : mais dans ses Dissertations politiques imprimées [c] après sa mort par les soins de M. Obrecht, son gendre, il ne témoigne nulle incertitude : il y donne positivement cet ouvrage à Hubert Languet [d].

VII. Du Plessis Mornai accusé par Grotius d’être Junius Brutus. Comment justifié par Rivet.

L’endroit où Grotius assure que l’écrit de Junius Brutus a été fait par Mornai est à la page 91 de son dernier ouvrage contre Rivet. C’est un ouvrage posthume, imprimé l’an 1645, sous le titre de Rivetiani Apologetici pro Schismate contra Votum Pacis facti, Discussio. Dans un écrit précédent, je veux dire dans son Appendix de Antichristo, il n’avait pas voulu nommer Mornai. L’exécrable livre de Boucher, dit-il [e], touchant la déposition de Henri III, roi de France, a été tiré, quant aux raisons, et même quant aux expressions, non pas de Mariana ou de Santarel ; mais de Junius Brutus (je sais assez qui c’est, mais puisqu’il a voulu être caché, qu’il le soit), et de quelques autres savans de la même secte. Liber flagitiosissimus Boucherii de abdicatione Henrici III, Galliarum regis, non argumentis tantùm sed et verbis desumtus est, non ex Marianâ aut Santarello, sed ex Junio Bruto (quis is sit sat scio, sed quia latere voluit, lateat), ex viris doctis quidem at factionis ejusdem. Dans une lettre qu’il écrivit de Paris, le 28 de février 1643 [f], il n’use point d’une semblable retenue. Je crois avoir écrit, dit-il, que l’auteur du Junius Brutus est Philippe de Mornai, et que Louis Villiers est celui qui fit imprimer le livre : je le redis encore, parce que des Ma-

  1. C’est celle de Giessæ Hassorum, 1687.
  2. C’est son Museum, où il dit : Qui se Bruti nomine dissimulat sive Mornaus is est, sive Hubertus Languetus.
  3. À Strasbourg, l’an 1674, avec ses Institutiones Politicæ.
  4. Voyez la IIe. dissertation, pag. 322 ; et la XVIe., pag. 209.
  5. Grot. Append. de Antichr., p. 59, édit. in-12, Amst. 1641.
  6. C’est la DCXLI de la IIe. partie.