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DISSERTATION

DISSERTATION
CONCERNANT LE LIVRE
D’ÉTIENNE JUNIUS BRUTUS,
IMPRIMÉ L’AN 1579



Tout le monde demeure d’accord que celui qui a composé sous ce nom-là le livre qui s’intitule : Vindiciæ contra Tyrannos, sive de Principis in Populum, Populique in Principem legitimâ Potestate, ne s’appelait pas ainsi ; mais on est encore dans des sentimens différens sur son véritable nom. Le plus envenimé de tous les libelles qui nous furent envoyés de France par la poste, l’an 1689, au sujet des révolutions d’Angleterre (A), attribue à M. du Plessis Mornai le livre de Junius Brutus, ce qui est assez étrange ; car, après les preuves que l’auteur d’un autre libelle [a] a prises de divers écrits très-communs, personne ne devrait ignorer que Hubert Languet et Junius Brutus sont la même chose [* 1]. Voici quelques méprises concernant ce fameux écrit.

I. Erreur de Deckher.

M. Deckher [b], avocat à la chambre impériale de Spire prétend que si l’auteur s’était nommé Lucius Junius Brutus, il se serait donné un nom plus convenable, et mieux fondé sur l’Histoire de Tite-Live, que ne l’est celui de Stéphanus Junius Brutus, qu’il s’est donné dans l’édition de Hanau de l’an MDCV : et il remarque que Boéclérus [c] l’a cité Lucius Junius Brutus. Mais, premièrement, c’est igno-

  1. * Leclerc, à la fin de l’édition de Bayle de 1734, a donné une Critique de la Dissertation de M. Bayle, concernant le livre d’Étienne Junius Brutus. Joly, qui a reproduit cette Critique, y a fait des additions, et quelquefois des observations. Leclerc fait tout son possible pour détruire l’opinion de Bayle, qui donne le livre à Languet, et il l’attribue à du Plessis Mornai. Joly avoue qu’il lui est impossible d’être de cet avis, et ajoute cependant que les raisons de Bayle ne sont pas convaincantes ; aujourd’hui et depuis longtemps l’opinion de Bayle a prévalu. Joly est entré dans quelques détails sur les diverses éditions du Vindiciæ ; il en existe une seule traduction qui n’a eu qu’une seule édition : encore fut-elle supprimée, ce qui explique sa rareté. Cette traduction, in-8o. de 264 pag., sans nom de lieu ni d’imprimeur, porte la date de 1581, ; Jansson ab Almeloveen, dans sa Vie des Étiennes, prétend qu’elle fut imprimée chez Fr. Étienne : Niceron, dans ses Mémoires, tom. III, pag. 295, dit que Fr. Étienne a donné une traduction de l’ouvrage de Languet ; mais on ne saurait, dit Joly, conclure du passage d’Almeloveen, que l’imprimeur de la version en soit l’auteur.
  1. L’Avis important aux Réfugiés.
  2. De Scriptis Adespotis, pag. 89, edit. Amstel., 1686.
  3. In Grotium, de Jure Belli et Pacis, lib. I, cap. IV, pag. 271.