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ZABARELLA.

voie dans toute son étendue ce fait-là, qui est un peu trop concis de la manière qu’il le rapporte, je m’en vais citer un auteur français[1] : « On ne vit jamais mieux qu’en cette rencontre, comme la providence de Dieu renverse souvent tout d’un coup tous les desseins de la prudence humaine pour faire réussir les siens. Ce pape, comme Léonard Arétin, son secrétaire, auquel il en fit confidence, nous en assure, avait donné en apparence plein pouvoir à ses légats de s’accorder avec l’empereur sur ces deux points [2], comme ils trouveraient bon ; mais parce que d’ailleurs il ne voulait pas se mettre à la discrétion de l’empereur dans une ville où ce prince fût le maître, il avait marqué dans un papier secret certaines villes d’Italie, hors desquelles il leur défendait très-expressément d’en accepter aucune. Et néanmoins comme, en les congédiant, il les exhortait à se bien acquitter de leur devoir, et qu’il était sur le point de leur donner cet écrit qu’il tenait entre ses mains, il changea tout à coup de sentiment ; et après s’être mis sur leurs louanges avec de grands transports de tendresse et d’affection, en protestant qu’il avait une pleine et entière confiance en leur fidélité, il leur dit que, contre ce qu’il avait résolu auparavant, il ne voulait point limiter leur pouvoir, et déchira sur-le-champ devant eux cet écrit, après le leur avoir montré. Il ne fut pas toutefois long-temps sans changer d’avis encore une autre fois : car apprenant que ses légats avaient enfin consenti, selon le désir de Sigismond, que le concile général fût convoqué pour le premier jour de novembre de l’année suivante à Constance, ville d’Allemagne, et sujette à l’empereur, il en pensa désespérer, et en maudit mille fois sa fortune, ou plutôt son imprudence, d’avoir si légèrement changé de résolution, et de s’être ensuite comme livré pieds et poings liés à un prince qui serait toujours en état d’exécuter tout ce qu’il plairait au concile d’ordonner contre lui. Mais il fallut dissimuler, de peur de se rendre suspect, etc. »

(C) Zabarella eût été mis à la place du pontife déposé, mais, etc... ] Le narré de Panzirole n’est pas assez juste : il nous porte nécessairement à croire que Zabarella était en vie lorsqu’on entra dans le conclave pour l’élection d’un pontife. Cela est faux. On y entra le 6 de novembre[3], et Zabarella, selon Panzirole, était mort le 5. D’autres disent qu’il mourut le 6[4]. Ainsi je trouve que Tomasin se conforme mieux aux circonstances du temps : Zabarella, selon lui, serait parvenu au pontificat par le consentement unanime des électeurs, si la mort ne l’eût transporté au ciel. Il dit aussi que ce cardinal tint dans le concile la place du pape. Concilio convocato pontificis vices gessit. Undè omnium consensu summus pontifex dictitatus, re quoque ipsâ designatus fuisset, ni Deus opt. max. ipsum in cœlum, ibi satiùs ecclesiæ suæ profuturum evexisset[5]. Panzirole a trompé M. Doujat, qui assure que Zabarella mourut après l’élection de Martin VI[6].

(D) Il fit beaucoup de livres. ] Six volumes de Commentaires sur les Décrétales et sur les Clémentines ; un volume de Conseils ; un volume de Harangues et de Lettres ; un traité de Horis canonicis ; de Felicitate libri tres ; variæ Legum Repetitiones ; Opuscula de Artibus liberalibus ; de Naturâ Rerum diversarum ; Commentarii in naturalem et moralem Philosophiam ; Historia sui temporis ; Acta in Conciliis Pisano et Constantiensi ; in vetus et novum Testamentum ; de Schismate[7]. Ce dernier ouvrage n’est pas du goût de la cour de Rome.

  1. Maimbourg, Hist. du grand Schisme d’Occident, liv. IV, pag. 106, édit. de Hollande. Il cite saint Antoine, archevêque de Florence, part. 3, tit. 22.
  2. C’est-à-dire le temps et le lieu du concile.
  3. Voyez Maimbourg, Hist. du grand Schisme d’Occident, liv. VI, pag. 264.
  4. Constantiæ extinctus est anno ciↄ. cccc xvii. viii. Idus novembris. Tomasin, Elog. part. I, pag. 5. Freher., in Theatro, pag. 17, copie très-mal cela, puisqu’il dit, extinctus est Idib. Nov.
  5. Tomasin, Elog., parte I, pag. 6,
  6. Doujat. Prænot. Canonic., pag. 609.
  7. Ex Tomasino, Elogior. parte I, pag. 9. Voyez aussi Oldoini, in Athenæo Romano, pag. 258.