Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T14.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
TACHUS.

persuadé que c’était une affaire faite, fit revenir d’Afrique la neuvième légion, Tacfarinas fit courir le bruit qu’on ne l’avait transportée en un autre lieu que parce que d’autres nations désolaient l’empire romain, et qu’ainsi il serait facile d’envelopper ce qui restait des troupes romaines, pourvu que tous ceux qui préféraient la liberté à la servitude voulussent bien réunir leurs forces. Il fut joint et assisté par beaucoup de gens, et donna bien de la peine au nouveau proconsul Dolabella, qui vainquit enfin pleinement cet ennemi[1]. Il demanda l’honneur du triomphe et ne put pas l’obtenir, car Tibère, par complaisance pour Séjan, refusa de consentir à une chose qui pouvait diminuer la gloire de Junius Blæsus. Ce refus donna plutôt du relief à la gloire de Dolabella, qu’à celle de l’oncle du favori. Tacite n’avait garde de supprimer cette observation. Dolabellæ petenti abnuit triumphalia Tiberius Sejano tribuens, ne Blæsi avunculi ejus laus obsolesceret. Sed neque Blæsus ideò inlustrior, et huic negatus honor gloriam intendit. Quippe minore exercitu, insignis captivos, cædem ducis, bellique confecti famam deportarât[2]. Il y eut bien de l’injustice à refuser à Dolabella, qui avait mis fin à cette guerre, ce qui avait été accordé aux demi-vainqueurs de Tacfarinas[3].

(B) Les fautes du Supplément de Moréri. ] On a eu tort de dire, I. Que Tacfarinas était un esclave ; II. qu’il se retira en Afrique ; III. que des brigands qu’il assembla il forma une puissante armée de Sarrasins[4] ; IV. qu’il se fit proclamer roi. V. qu’il défit l’armée romaine, commandée par Décius, proconsul d’Afrique ; VI. qu’il le blessa à l’œil ; VII. qu’ensuite il fut vaincu par Camille ; VIII. et que Tacite narre tout cela dans le IIe. livre. Voilà huit fautes capitales : c’est trop pour un article de dix lignes, et où il y a tant d’omissions. Tacite ne dit rien qui nous porte à croire que Tacfarinas fût esclave, ou qu’il eût servi hors d’Afrique dans l’armée des Romains. Ce fut en Afrique qu’il porta les armes pour eux, selon toutes les apparences ; et par conséquent il ne se retira point en Afrique après avoir déserté. Pour ce qui est de cette armée de Sarrasins, je ne crois pas me tromper dans mes conjectures, si je dis que le terme Muzulani, dont se sert Tacite, a fait croire au continuateur de Moréri, qu’il s’agissait là des musulmans ; et comme les sectateurs de Mahomet se donnent ce nom, et qu’ils ont aussi été connus sous celui de Sarrasins, on s’est figuré qu’il était indifférent de dire une armée de Sarrasins, ou une armée de musulmans. Tacite ne parle point d’un proconsul qui s’appelât Décius, mais d’un Décrius qui commandait dans un château dont la garnison consistait en une cohorte[5]. Voilà ce que l’on nous convertit en une armée romaine, commandée par le proconsul Décius. Or, puisque Décrius fut tué, il ne fit pas dire tout simplement que Tacfarinas le blessa à l’œil. La victoire de Camille précéda cette défaite de Décrius. Il aurait fallu citer le IIe., le IIIe. et le IVe. livre des Annales de Tacite : car ces mots, Tacite, liv. II, vous renvoient aussitôt au IIe. livre de l’Histoire, qu’au IIe. livre des Annales ; et après tout, en quelque endroit que vous preniez le IIe. livre, vous n’y trouverez point toutes les choses qu’on vous raconte de Tacfarinas.

  1. Tacit., Annal., lib. IV, cap. XXIII et sequent.
  2. Idem, ibidem, cap. XXVI.
  3. Priores duces, ubi impetrando triumphalium insigni sufficere res suas crediderant, hostem omittebant. Jamque tres laureatæ in urbe statuæ, et adhuc raptabat Africam Tacfarinas. Idem, ibidem, cap. XXIII.
  4. Ceci a été ôté aux éditions de Hollande.
  5. C’était environ six cents hommes.

TACHUS, roi d’Égypte, au temps d’Artaxerxès Ochus[a]. La domination des Perses était si odieuse aux Égyptiens, qu’il ne fut pas difficile à Tachus de faire soulever beaucoup de monde ; mais il eut besoin du secours des Grecs pour se maintenir dans la dignité dont on l’avait revêtu. Il n’ignorait point la valeur et l’expérience d’Agésilaüs,

  1. Voyez la 104e. olympiade.