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PERGAME.

présens à Scipion devant Numance (M), et mourut fort peu après, environ l’an 621 ; et, comme il n’avait point d’enfans, il institua son héritier le peuple Romain [a]. Aristonicus, bâtard d’Eumènes, voulut se moquer de ce testament, et se porta pour successeur légitime : il gagna même quelques batailles[b] ; mais il fut vaincu et pris l’an de Rome 623[c]. Ainsi finit le royaume de Pergame, qui dans une assez petite durée était devenu fort puissant, et où la magnificence fut si éclatante, qu’elle passa en proverbe (N). Il faudra marquer quelques fautes du Moréri (O).

  1. Florus, lib. II, cap. XX, et multi alii.
  2. Justinus, lib. XXXVI, cap. IV.
  3. Id., ibid.

(A) Il succéda à Eumènes son cousin. ] Philétære avait deux frères : le plus âgé se nommait Eumènes, l’autre se nommait Attale. Le fils de celui-là eut le même nom que son père, et succéda à Philétære. Le fils d’Attale appela Attale, et fut successeur d’Eumènes [1]. Si le père Labbe avait lu Strabon attentivement, il ne l’aurait pas cité comme ayant dit qu’Attale fut frère et successeur d’Eumènes[2]. Cette faute a été copiée par M. Moréri [3]. Je m’étonne que M. Ménage n’ait point remarqué une faute de Diogène Laërce que M. Valois avait censurée[4]. Cet historien des philosophes assure qu’Eumènes était fils de Philétære[5]. Il fallait dire neveu : c’est la qualité que Strabon et Athénée lui donnent. Je rapporte les paroles du dernier, parce qu’elles nous apprennent un fait curieux ; c’est que cet Eumènes mourut de trop boire. ὑπὸ μέθης ἀπέθανεν Ευμένης ὁ Περγαμηνὸς, ὁ Φιλεταίρου τοῦ Περγάμου βασιλεύσαντος ἀδελϕιδοῦς, ὡς ἱςορεῖ Κτησικλῆς ἐν τρίτῳ χρόνων [6]. Eumenes Pergamenus, Philetæri[7] qui Pergami regnavit ex fratre nepos, ebrietate periit, ut refert Ctesicles libro tertio de Temporibus. Notez qu’Athénée s’est servi encore ailleurs[8] du même mot ϐασιλεύσας, en parlant de Philétære.

(B) Il se donna le titre de roi, qu’ils n’avaient point pris. ] Strabon nous l’apprend d’une manière précise : Ἀνηγορεύθη βασιλεὺς οὗτος πρῶτος νικήσας Γαλάτας μάχῃ μεγάλῃ. Hic primus rex salutatus est cùm magnâ pugnâ Galatas vicisset[9]. Polybe avait déjà assuré la même chose[10] : Νικήσας γὰρ μάχῃ Γαλάτας, ὃ βαρύτατον καὶ μαχιμώτατον ἔνθος ἦν τότε κατά τὴν Ἀσίαν, ταύτην ἀρχὴν ἐποίησατο, καὶ τότε τρῶτον αὐτὸν ἔδειξε βασιλέα. Superatis enim prœlio Gallis, quæ gens maximè terribilis ac bellicosissima tùm in Asiâ erat, tùm primùm regium nomen palàm sibi adscivit. Tite Live a adopté le même fait : Victis deindè prœlio uno Gallis quæ tùm gens recenti adventu terribilior Asiæ erat, regium ascivit nomen cujus magnitudini semper animum æquavit[11]. Ces trois témoignages me paraissent préférables à l’autorité de Justin, et à celle de Diogène Laërce ; car en premier lieu Justin commet une faute qui prouve qu’il ne s’est pas informé exactement de ce qu’il fallait savoir. Il dit qu’Eumènes était roi de Bithynie. Voilà ce qu’il peut fournir à ceux qui refuseraient de croire que notre Attale ait pris le premier le titre de roi. Eumènes, son prédécesseur, pourraient-ils dire, n’est-il pas qualifié roi par l’historien Justin[12] ? Mais, répondrai je, commandait-il dans la Bithynie ? Ne com-

  1. Strabo, lib. XIII, pag. 429.
  2. Labbe, Chronologue français, tom. II, p. 300, à l’ann. de Rome, 512.
  3. Au mot Eumènes.
  4. Henricus Valesius, Notis ad Excerpta Polybii, pag. 19.
  5. Diogen. Laërtius, lib. IV, in Arcesilao, num. 48.
  6. Athen., lib. X, pag. 445.
  7. On met ici Attali dans la traduction de Dalechamp.
  8. Athen., lib. XIII, pag. 577.
  9. Strabo, lib. XIII, pag. 429.
  10. Polyb., lib. XVIII, in Excerptis Valesianis, pag. 103.
  11. T, Livius, lib. XXXII, pag. m. 610.
  12. Rex Bithyniæ Eumenes, Justin., lib. XXVII, cap. III.