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PATIN.

tre son attente le guérit heureusement[1]. Charles Patin, s’étant plaint de cette injure à la faculté de médecine d’Iène, obtint toute la satisfaction qu’il pouvait prétendre ; car la faculté ordonna au médecin Axtius de se rétracter publiquement. Saluberrima facultas illum παλινοδίαν[2] cantare coëgit, quam suppressâ calumniâ typis mandatum ad me transmisit, c’est Charles Patin qui parle[3], his verbis : editioni Tractatûs hujus de Arboribus, benevole lector, subjunxeram Epistolam de Antimonio cui relationem de illustrissimo Guidone Patino inserueram : quia autem certo comperi illam falsam, et ab ipsius malevolis sine dubio effictam esse, epistolam rursùs imprimi curavi, fabulam expunxi, et manibus celeberrimi illius viri injuriam factam esse apertè profiteor.

(I) On a observé que Guy Patin ressemblait à Cicéron. ] « Feu M. Huguetan, avocat de Lyon, qui le connaissait particulièrement, trouvait qu’il donnait de l’air[4] à Cicéron, dont on voit la statue à Rome[5] ». Cela me fait souvenir qu’on a dit, que le chancelier de l’Hôpital ressemblait à Aristote : specie fuit augustâ, vultu gravi et tranquillo, qui, ut ex veteri numismate apparuit, Aristotelis faciem planè referret[6].

(K) Il laissa un fils qui s’est rendu fort illustre. ] Il s’appelait Charles Patin. Il naquit à Paris le 23 de février 1633. Il fit des progrès si surprenans, qu’il soutint des thèses grecques et latines sur toute la philosophie, l’an 1647. Son professeur[7], qui était un Irlandais, et qui n’entendait point la langue grecque, rebuta durement ces thèses quand on le pria de vouloir les examiner ; mais voyant que le jeune homme se préparait à les soutenir sans cathédrant, il fut contraint de présider à la dispute, pour ne point prostituer sa réputation. Le nonce du pape, trente-quatres évêques, et plusieurs personnes de qualité de la cour et de la ville assistèrent à cette thèse. Le répondant soutint le choc pendant cinq heures en l’une et en l’autre langue, et fut reçu maître és arts glorieusement. Il étudia en droit par complaisance pour un oncle maternel, avocat au parlement ; il prit ses licences à Poitiers au bout de seize mois, et il fut reçu avocat au parlement de Paris. Il employa six années à cette étude ; mais il ne pouvait renoncer à celle de la médecine : son inclination l’y avait toujours porté. Il ne lui fut donc pas difficile de s’accommoder aux volontés de son père, qui étaient qu’il abandonnât la jurisprudence, et qu’il se vouât à la profession de médecin. Il goûta sans peine les belles raisons qu’on lui allégua, fortifiées du témoignage de Marescot. Ce célèbre médecin se reconnaissait redevable de trois choses à sa profession, qu’il n’aurait jamais obtenues par la prêtrise à quoi son père le destinait. Il avait joui d’une parfaite santé jusqu’à l’âge de quatre-vingt-deux ans ; et il avait gagné cent mille écus, et l’amitié intime de plusieurs personnes illustres. Artem disceres doceresque non magistratibus tantùm, sed regibus ipsis et imperatoribus leges præscribentem : sapientissimos tandem quosque ab ore tuo pendentes, tuoque submissos arbitrio cerneres. Recorderis, mi Stoice (sic quippe ob nescio quam ἀπάθειαν me compellare solebat), Marescottum nostrum tria se sacræ arti nostræ debere professum, quibus caruisset, si prepositum à parentibus sacerdotium suscepisset, sanitatem athleticam ætatis anno LXXXII, centum aureorum millia, atque intimam innumerorum illustrium amicitiam[8]. Dès que Charles Patin eut été reçu docteur en médecine, il s’attacha à la pratique, et en eut beaucoup. Il fit des leçons en médecine à la place du professeur Lopez, qui était allé à Bordeaux. Ayant craint d’être emprisonné, s’il demeurait davantage en France, il voulut se retirer en Hollande. Excedere patriâ consultiùs fuit, quàm libertatis

  1. Tiré de l’Éloge de Guy Patin, à la tête de ses Lettres.
  2. Il eut fallu dire παλινῳδίαν.
  3. Carolus Patinus, in Lyceo Patavino, pag. 102, 103.
  4. Cette phrase est fort en usage à Genève et dans ces quartiers-là, pour dire ressembler à quelqu’un.
  5. Tiré du même Éloge.
  6. Sammarthauns, Elog., lib. I, pag. m. 59.
  7. Il s’appelait Rogérius Omoloy.
  8. Carolus Patinus, in Lyceo Patavino, pag. 83, 84.