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PATIN.

où il était de la disgrâce de son autre fils (L).

(A) Il parle à peu près de sa famille comme Horace de la sienne [* 1]. ] « Je suis fils de bonnes gens, dit-il[2], que je ne voudrais pas avoir changé contre de plus riches. J’ai céans leurs portraits devant mes yeux[* 2], je me souviens tous les jours de leur vertu, et suis bien aise d’avoir vu l’innocence de leur vie qui était admirable. On ne vit pas comme cela dans les villes, et particulièrement Paris. Je ne vois plus que de la vanité, de l’imposture et de la fourberie. Dieu nous a réservés pour un siècle fripon et dangereux. » Voyons ce qu’Horace disait de son père :

...............Purus et insons
(Ut me collaudem) si vivo, et charus amicis,
Causa fuit pater his, qui macro pauper agello,
Noluit in Flavî ludum me mittere magni,
.........................
Nec timuit, sibi ne vitio quis verteret, olim
Si præco parvas, aut (ut fuit ipse) coactor
Mercedes sequerer : neque ego essem questus.
Ob hoc nunc
Laus illi debetur, et à me gratia major.
Nil me pœniteat sanum patris hujus : eòque
Non, ut magna dolo factum negat me esse suo pars,
Quòd non ingenuos habeat clarosque parentes,
Sic me defendam : longè mea discrepat istis
Et vox et ratio. Nam si natura juberet
A certis annis ævum remeare peractum,
Atque alios legere ad fastum, quoscunque parentes
Optaret sibi quisque : meis contentus, honestos
Fascibus et sellis nolim mihi sumere : demens
Judicio vulgi[3] ............

  1. (*) Il est vrai que dans les trois volumes des Lettres de Guy Patin, qui parurent à Genève en 1691, on ne trouve rien touchant sa famille qui ne réponde fort bien à l’idée qu’en donne ici M. Bayle ; mais ce savant homme aurait pu trouver, dans les Opuscules d’Antoine Loisel, une note de Claude Joly, qui lui aurait fait concevoir une idée plus avantageuse de la famille de Patin, et qui lui aurait appris que ce célèbre médecin n’en était point le premier qui se fût distingué. Voici cette note : elle explique un endroit de l’Indice alphabétique des personnages célèbres mentionnés au Dialogue des Avocats du parlement de Paris, d’Antoine Loisel, etc. « Maître Jean Patin, après avoir passé quelques années au bareau du parlement de Paris, se retira en sa ville natale de Beauvais, où il fut fait conseiller et avocat du roi au présidial, y exerçant ensemblement les deux charges, en vertu d’un arrêt du parlement donné en sa faveur, le 15 de février 1588, comme il paraît dans la Conférence des Ordonnances de la dernière édition de l’an 1641, tom I, pag. 427, liv. II, tit. 6, paragr. 5. Il exerça ces deux charges fort courageusement et constamment, au temps que cette ville s’était laissée emporter au parti de la ligue ; et y maintint l’autorité du roi avec beaucoup d’adresse, et toute la fidélité requise en un homme de bien, jusques à ce qu’étant enfin persécuté par les factions du maire Godin, et du lieutenant criminel, nommé Nicolas, qui étaient deux arcs-boutans de la ligue, dans Beauvais, haranguant selon le dû de sa charge, et exhortant le peuple au service du roi Henri IV, il pensa être lapidé par les menées de ces deux archiligueurs ; de sorte qu’il fut obligé de quitter la ville, et de se retirer près du roi son maître, où il trouva du support, par la recommandation de M. de Fresnes-Forget, secrétaire d’état. Mais enfin il fut rétabli en ses deux charges, lorsque la ville rentra en l’obéissance du roi, et continua d’y rendre la justice avec réputation, jusques en l’an 1605, auquel il mourut d’une esquinancie, au retour d’un voyage de Fontainebleau, où il avait été envoyé en commission vers le roi, au nom de la ville. Telles commissions lui étaient ordinaires, tant à cause de sa charge d’avocat du roi, que parce qu’il était éloquent, et fort entendu dans l’histoire et la politique. Lorsqu’il quitta Beauvais par les fureurs de la ligue, sa maison fut pillée, où il fit perte de ses beaux livres, qu’il chérissait uniquement, et qu’il a regrettés toute sa vie. Il ne laissa qu’une fille, nommée Françoise Patin ; était oncle de François Patin, avocat en parlement qui a été père de maître Guy Patin, docteur régent, et doyen de la faculté de médecine à Paris, lequel m’a fait part de ce qui est ci-dessus écrit, et encore d’une épigramme faite en la louange de ce sien grand-oncle, qui se lit in Libello Epigrammatum variorum ad amicos pro xeniis per Petrum Goussainvillium, Monfortensem, pro anno 1574, imprimé à Paris, apud Dionysium à Prato, 1574 :

    « Ad Dom.

    JOHANNEM PATIN, BELLOVACUM,
    facundissimum in supremo parisiensi senatu patronum.

    Cùm tu facundas solitus nunc ire per artes,
    Eloquium et mirum crescat in ore tuo :
    Causidicumque bonum sic te Polyhymnia reddit,
    Omnes ut superes viribus eloquii :
    Sic tua musa mihi quædam incrementa dedisset,
    Ditior et Crœso redderer arte suâ :
    Sed quia nummorum non extat plena crumena,
    Pro nummis tribuit carmina missa tibi[1]. »

    Je joindrai à cela un passage encore plus curieux, et dont M. Bayle n’a point pu avoir connaissance, vu qu’il se trouve dans un livre qui n’a été imprimé que quelques années après sa mort. Ce sont les Nouvelles Lettres de feu M. Guy Patin, tirées du cabinet de M. Charles Spon, imprimées à Amsterdam, chez Steenhouwer et Uytwerf, en 1718, en deux volumes in-12 : ouvrage publié avec trop peu de soin, et où les noms propres surtout sont le plus souvent tout-à-fait maltraités. Voici de quelle manière Patin y

  2. * Joly transcrit un passage des Mémoires manuscrits de Lamarre, qui rapporte que Patin ne manquait jamais de montrer à ceux qui l’allaient voir le portrait de son père et de sa mère, qu’il avait sur sa cheminée, habillés en paysans.
  1. Opuscules de Loisel, pag. 736, 737.
  2. Patin, lettre CCXCIII, pag. m. 561 du IIe. tome.
  3. Horat., sat. VI, lib. I, vs. 68.