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PATIN.

d’où est un homme, ni comment il s’est poussé ; et ils ne parlent de ses actions qu’au cas qu’elles se rapportent d’une façon distinguée aux vertus dont ils le louent. Il est donc nécessaire que je dise que notre Patin naquit à Houdan en Brai, à trois lieues de Beauvais[a], l’an 1602[b][* 1]. Il ne se vante point d’être de bonne maison ; il parle à peu près de sa famille comme Horace parle de la sienne (A). Il fut sans doute l’artisan de sa fortune, et je sais de bonne part qu’il a été correcteur d’imprimerie[c]. Il n’est pas facile de décider s’il vaudrait mieux que les lettres qu’on a de lui eussent été destinées au public par leur auteur, que d’avoir été composées sans façon pour l’usage particulier de ceux à qui il les écrivait (B) : mais, de quelque façon qu’on en juge, je suis sûr que l’on conviendra qu’il est bon qu’elles soient sorties de dessous la presse[* 2]. Ce n’est pas qu’elles ne fassent beaucoup de tort à la ville de Paris qu’elles représentent comme infectée d’une corruption effroyable (C), et comme remplie de créatures qui, ayant fait tout ce qu’il fallait pour peupler la terre, font ensuite tout ce qu’il faut pour peupler les limbes (D). Cela me donnera lieu de parler d’une ordonnance de Henri[d], qui était si rigoureuse, qu’il pouvait arriver qu’elle exposait à la mort une femme qui n’était point coupable d’avoir fait périr son fruit. Nous verrons là-dessus l’observation d’un célèbre jurisconsulte (E), et nous rapporterons un passage de Henri Étienne qui nous apprendra, entre autres choses, que cette loi si rigoureuse ne fit périr que des servantes (F). Ces mêmes lettres de Patin témoignent en particulier que le symbole de l’auteur n’était pas chargé de beaucoup d’articles (G), et qu’il avait beaucoup de tendresse pour ses enfans. Il ne faut que cela pour réfuter l’imposture énorme qu’un écrivain allemand a publiée (H). On a observé que Guy Patin ressemblait à Cicéron (I). Il mourut, l’an 1672, et laissa un fils qui s’est rendu fort illustre (K), et qui excellait dans la connaissance des médailles. Il avait perdu son fils aîné, pour qui il avait obtenu, en 1667, la survivance de sa chaire de professeur[e], et qui n’eut pas la reconnaissance qui était due à l’affection d’un si bon père[f]. Ce fut un grand surcroît d’affliction dans le chagrin

  1. * Il naquit, dit Joly, le 31 août 1601, puisque écrivant à Ch. Spon, le 30 août 1655, en parlant du médecin Simon Piètre, il dit : « Ce grand homme mourut en 1618, âgé de 54 ans. Hélas ! J’en aurai demain autant. »
  2. * Leclerc dit que puisque, de l’aveu de Bayle, il y a si peu de bon et tant de mauvais, il est hors de doute qu’il eût mieux valu que ces lettres n’eussent pas été imprimées. C’est surtout à cause des impiétés, que Leclerc condamne les lettres de G. Patin. Il ne manque à rapporter le passage du Ménagiana, où il est dit qu’elles sont pleines de fausseté, et que Bayle a cité dans sa remarque (B) ; il y a une raison que Leclerc et Joly taisent ; c’est que Patin n’aimait pas les jésuites, et les maltraite souvent.
  1. Patin, lettre CCXCIII, pag. 561 du IIIe. tome, édition de Genève, 1691.
  2. Selon son éloge, il mourut septuagénaire l’an, 1672.
  3. M. Drelincourt, professeur en médecine à Leyde me l’a appris.
  4. Voyez la rem. (C).
  5. Voyez sa lettre CCCCLV, p. 337 du IIIe. tome.
  6. Voyez sa DXXXVe. lettre, pag. 539 du IIIe. tome.