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MUSSO.

fut fort estimé du duc [a]. On lui donna la charge de professeur ordinaire en métaphysique dans l’académie de Pavie, et il eut plusieurs fois ce prince pour auditeur. Cette académie ayant été dissipée après la mort de ce duc, et à cause des confusions de la guerre, il fut appelé à Boulogne pour y professer la métaphysique, et on lui donna plus de gages que l’on n’en avait jamais donné à des religieux ; et parce que plusieurs villes à l’envi les unes des autres le demandaient pour prédicateur du carême [b], on le dispensa des leçons académiques pendant ce temps-là. Mis en récompense on lui fit faire des leçons sur l’Écriture les jours de fête, dans les autres temps de l’année. Les Épîtres de saint Paul furent le sujet de ces leçons. Un concurrent s’éleva, qui expliquant d’une manière hétérodoxe les mêmes Épîtres, fit naître beaucoup de tumultes ; car il s’attira quantité de sectateurs. Il fallut que le cardinal Campeggio, évêque de Boulogne, employât son autorité pour arrêter ce désordre en chassant les novateurs, et en imposant à ce concurrent la honte d’une rétractation publique. Il conçut dès lors une amitié particulière pour Cornélio Musso, et le présenta à Paul III, qui le retint à Rome pour le faire prêcher à Saint-Laurent in Damazo, et pour le mettre en qualité de théologien auprès du cardinal son petit-fils. Il n’y avait pas long-temps qu’Ochin, qui avait prêché dans cette église, s’était retiré de Rome, après avoir disputé avec notre Cornélio qui le convainquit d’être un faux frère. Le nouveau prédicateur de Saint-Laurent attira à son auditoire une grande foule, et ayant été élevé à l’évêché de Bertinoro, au bout de quatre ans, il ne discontinua de prêcher que lorsqu’on voulut qu’il fit des leçons sur les Épîtres de saint Paul, dans la même église. Elles furent fort goûtées ; et comme le pape voulut l’entendre quelquefois, et qu’il ne pouvait le faire commodément hors du palais apostolique, il le tira de ces exercices publics, et lui donna une autre fonction : ce fut de prêcher en latin sur l’évangile du jour dans la chambre ou à la table de sa sainteté, et d’ouvrir une dispute immédiatement après pour répondre aux objections qui lui seraient proposées. Il y eut là un grand concours d’ecclésiastiques séculiers et réguliers : quelques cardinaux et plusieurs prélats s’y rendaient : le pape même y proposait quelquefois et des réponses et des objections ; et parce qu’il fut fort content de l’habileté de Musso, il le pourvut de l’évêché de Bitonte [c], et l’envoya au concile pour y être l’un des savans qui disputeraient sur les matières (D). Celle de la justification passa par les mains de Musso ; ce fut lui qui la digéra, et qui l’éclaircit avec une application très-particulière. Le concile ayant été transféré de Trente à Boulogne, fut enfin interrompu. Paul

  1. C’était François Sforce.
  2. Accio che potesse predicare e soddisfa re alle cittadi, che a gara l’una dell’ altra un’ anno o due avanti lo ricercavano sempre. G. Musso, ubi infrà cita. h.
  3. Par permutation avec celui de Bertinore.