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MUSCULUS.

par tous les ministres ; mais l’ardeur de Musculus éclata infiniment plus que celle de ses collègues. De là vint que les catholiques l’eurent principalement en aversion, il fit tant par ses journées, que, le 22 de juillet 1534, le sénat et le peuple d’Augsbourg leur défendirent absolument de prêcher en aucun lieu de la ville, et ne leur laissèrent que huit endroits où ils leur permirent de dire la messe. Ils l’abolirent partout ailleurs avec les images ; et enfin le 15 de janvier 1537, le grand conseil chassa tous les prêtres et tous les moines, et repurgea d’idolâtrie ces huit endroits, et les consacra au service protestant. Alors Musculus fut fait ministre de l’église qui avait été consacrée à la Sainte Vierge. Il commença d’y prêcher le 15 de juillet 1537, et continua de le faire tranquillement jusqu’au 30 de juillet 1547 [1]. Mais depuis ce jour-là jusqu’à sa sortie d’Augsbourg, son ministère fut exposé à de grands troubles. Charles-Quint, ayant fait son entrée dans la ville, fit rendre aux catholiques l’église de Notre-Dame. Musculus prêcha dans d’autres églises avec son ardeur et sa liberté accoutumée. On l’épiait ; on le déférait à l’empereur sur le pied d’un prédicateur séditieux et injurieux. Michel Sidonius, suffragant de l’archevêque de Mayence, allait souvent à ses sermons, et en faisait des extraits sur ses tablettes. Le sénat, craignant que ce ministre ne fût insulté, le fit garder par trois hommes qui le conduisaient au temple, et le ramenaient à son logis. Il y eut souvent des tumultes devant ce logis : les domestiques du cardinal d’Augsbourg y firent des attroupemens avec mille injures et mille risées, et cassèrent à coups de pierres les vitres de Musculus. Les Espagnols et les prêtres lui tendirent des embûches, et l’accablèrent de médisances et de huées [2]. C’est ainsi que les choses de ce monde haussent et baissent : chacun à son tour.

(D) Il ne voulut jamais accepter les emplois qu’on lui offrait en d’autres lieux. ] On tâcha trois fois de l’attirer en Angleterre, et surtout après la mort de Martin Bucer. La ville d’Augsbourg ayant recouvré sa première liberté, l’an 1552, le mit au nombre de ses ministres exilés qu’elle rappela. Ceux de Strasbourg, les électeurs palatins Othon Henri, et Fridéric, et le landgrave de Hesse, le sollicitèrent souvent de venir servir leurs églises et leurs académies, et lui promirent de grosses pensions. Il s’en excusa entre autres raisons sur celle-ci principalement, qu’il voulait consacrer tout le reste de sa vie au service de la république de Berne qui l’avait si humainement retiré de son exil [3]. Cette conduite est très-louable, et il n’y a pas beaucoup de gens qui aient la force de la tenir.

(E) Il se borna aux leçons de théologie, et refusa la chaire de prédicateur qui lui fut offerte. ] Ceci montre que M. de Thou ne devait pas dire que Musculus exerçait à Berne la charge de pasteur, pastoris munere defungens [4].

(F) Il publia beaucoup de livres. ] Il commença par des traductions de grec en latin. Le premier ouvrage de cette nature qu’il publia [5] fut le Commentaire de saint Chrysostome sur les Épîtres de saint Paul aux Romains, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens et aux Thessaloniciens. Il publia [6] ensuite le second tome des Œuvres de saint Basile, et puis les Scolies du même père sur les Psaumes, et plusieurs traités de saint Athanase et de saint Cyrille ; l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe, de Socrate, de Sozomène, de Théodoret et d’Évagrius ; et Polybe. Voici les principaux ouvrages qu’il composa de son chef : deux sermons de Missâ papisticâ, prononcés pendant la diète de Ratisbonne, en 1541. Ils furent imprimés à Wittemberg, et puis à Augsbourg, cum additione de externis Missæ Abusibus. Cochlæus écrivit contre cet ouvrage, l’an 1544 ; et de là sortit l’Anti-Cochlæus [7], que Musculus publia en latin et en

  1. Idem, ibidem, pag. 377.
  2. Tiré de Melchior Adam, in Vitis Theol. german., pag. 380, 381.
  3. Ex eodem, pag. 384, 385.
  4. Thuan., l. XXXV, (et non pas l. XXXVI, comme Konig a cité) sub fin., pag. m. 716.
  5. À Bale, chez Hervagius, l’an 1536.
  6. Ibidem, anno 1540.
  7. Voyez M. Baillet, article XI, § 2 des Anti.