Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/566

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
556
MORUS.

de l’amitié pour M. Morus, mais aussi des personnes qui sans l’aimer, ni sans l’estimer, voyaient leurs ennemis à la tête du parti contraire. L’on voit tous les jours des exemples de cela. Je ne sais comment M. Morus se procura les bonnes grâces de M. de Saumaise ; mais il est certain que celui-ci attira l’autre dans les Provinces-Unies. Quelques-uns prétendent que ce fut pour chagriner M. Spanheim (B), qui avait été brouillé à Genève avec M. Morus. D’abord M. de Saumaise tâcha de lui procurer une chaire de théologie à Harderwic [a], et la chose n’ayant pu réussir, il le fit appeler à Middelbourg. M. Morus, acceptant la vocation, partit de Genève en 1649, chargé d’un bon témoignage d’orthodoxie (C). Il se présenta au synode des églises wallones, assemblé à Maestricht [b] : il y prêcha avec l’applaudissement de tout l’auditoire ; et puis il alla prendre possession à Middelbourg de la charge de professeur en théologie dans l’école illustre, et de celle de pasteur de l’église. Messieurs d’Amsterdam, à son arrivée en Hollande, lui offrirent la profession en histoire [c], que la mort de Vossius avait rendue vacante dans leur école illustre ; et n’ayant pu le détacher des engagemens qu’il avait pris avec la ville de Middelbourg, ils firent venir David Blondel : et néanmoins trois ans après, ayant ouï dire que l’on offrait à M. Morus une chaire de théologie en France, ils lui renouvelèrent leurs offres. Il accepta alors cette vocation, et la remplit en habile homme. Il y fit une éclipse par un voyage en Italie qui fut assez long (D), et duquel on dit qu’il n’eut pas sujet de se repentir (E). Durant ce voyage, il fit un beau poëme [d], sur la défaite de la flotte turque par les Vénitiens. Ce poëme lui valut une chaîne d’or dont la république de Venise lui fit présent. Il revint exercer sa charge ; et après quelques bourrasques essuyées dans les synodes wallons [* 1] (F), il passa en France pour y être ministre de l’église de Paris, où plusieurs personnes le souhaitaient. Plusieurs autres s’y opposèrent, et se présentèrent à quelques synodes provinciaux, et puis au synode national de Loudun [e], chargées de sacs de papiers contre M. Morus. Toutes leurs accusations furent éludées, ou trouvées nulles (G) ; car il fut reçu ministre de l’église de Paris. M. Dalle, qui l’avait servi de tout son crédit dans plusieurs synodes (H), ne fut pas longtemps à s’en repentir ; il s’éleva entre eux une querelle fort violente, qui causa mille partialités dans le troupeau. En général, M. Morus, au milieu des applaudissemens que sa manière inimitable de prêcher (I) lui attirait d’une foule extraordinaire d’audi-

  1. * Joly dit que ce fut par son livre : Victoria gratiæ : Alexandri Mori de gratiâ et libero arbitrio Disputationes Genovenses adversùs Dionysium Petavium, jesuitam. dont la seconde édition est de 1652, in-4o. Daniel Heinsius et Frédéric Spanheim, personnages que Saumaise n’aimait pas, y sont maltraités, et Saumaise y est loué.
  1. Voyez la rem. (G).
  2. Fid. publica, pag. 157.
  3. Ibid., pag. 213.
  4. Voyez-en l’éloge dans les lettres de Tanaquil le Fèvre, liv. II, pag. 157.
  5. Il commença le 10 de novembre 1659, et finit le 10 de janvier 1660.