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MORIN.

compenses pécuniaires ne sont pas de la partie ? Au reste, il n’était pas aussi connu par toute l’Europe, depuis l’an 1636, qu’il le prétendait. Son nom et ses livres n’ont pu trouver place dans un livre de Vossius [1], où l’on voit une longue liste des mathématiciens et des astrologues, etc. anciens et modernes.

  1. Celui de Scientiis mathematicis. Il s’étend jusqu’en 1646 et plus.

MORIN (Simon), fanatique brûlé à Paris, l’an 1663. Son esprit était en désordre depuis long-temps (A). Il soutenait [a], qu’il se devait faire bientôt une réformation générale de l’église et que tous les peuples allaient être convertis à la vraie foi. Il prétendait que ce grand renouvellement se devait faire par le second avénement de Jésus-Christ dans son état de gloire, et incorporé en lui Morin ; et que pour l’exécution des choses auxquelles il était destiné, il devait être accompagné d’un grand nombre d’âmes parfaites, et participantes à l’état glorieux de Jésus-Christ, qu’il appelait pour cela des combattants de gloire. Le sieur Jean des Marets de l’académie française feignit d’être son disciple, et découvrit par ce moyen cet horrible fanatisme (B). Morin avait déjà quelques sectateurs. J’ai ouï dire, 1°. Qu’il avait promis de ressusciter au troisième jour, et que de là vint qu’il s’assembla beaucoup de canaille à l’endroit où il fut brûlé [b] ; 2°. que M. le premier président de Lamoignon lui demanda s’il était écrit quelque part que le grand prophète ou nouveau messie passerait par le feu, et que Morin déjà condamné cita ce verset du psaume XVI, Igne me examinâsti, et non est inventa in me iniquitas. L’auteur que je cite dans les remarques observe que le XVIIe. siècle a été fécond en fanatiques (C). Je viens de recevoir un mémoire très-curieux concernant notre Morin (D).

Depuis la seconde édition j’ai appris quelques circonstances de son procès, qui pourront servir de supplément et de correctif à son article (E).

  1. Voyez la préface des Lettres visionnaires.
  2. C’était en Grève.

(A) Son esprit était en désordre depuis long-temps.] Voyez le livre intitulé Pensées de Simon Morin : il fut imprimé l’an 1647. On n’y mit ni le nom de l’imprimeur, ni le nom du lieu où on l’imprima. L’auteur était en prison à Paris pour les erreurs des illuminés, lorsque les amis de Gassendi écrivirent contre l’astrologue Jean-Baptiste Morin, auquel ils reprochèrent qu’il était ou frère ou parent de ce prisonnier. L’astrologue prit cela pour le second de leurs mensonges. Secunda (impostura) dùm asserit quemdam Simonem Morinum in carceribus archiepiscopatûs hujusce asservatum, ob illuminatorum doctrinam quam profitetur, esse meum consanguineum sive fratrem [1].

(B) Des Marets…… feignit d’être son disciple, et découvrit…… son fanatisme.] Il était lui-même un grand fanatique [2], et il s’attendait à une admirable et sainte révolution ; mais, s’imaginant qu’elle ne se ferait point par les voies que Morin marquait, ni par celles d’un autre visionnaire nommé Charpy de Sainte-Croix [3], il se mit en tête de com-

  1. Joh. Baptista Morinus, in Defensione suæ dissertationis de Atomis et Vacuo, pag. 105. Ce livre fut imprimé l’an 1650.
  2. Voyez ci-dessus son article.
  3. Il est auteur d’un livre intitulé L’ancienne Nouveauté de l’Écriture Sainte, que M.  Arnauld réfuta. Le Journal des Savans du ier. de mars 1666 fait mention de cette réfutation. Ce visionnaire renonça à ses erreurs. Voyez la Question curieuse si M. Arnauld est hérétique ? pag. 147, édit. de 1695.