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MORIN.

metriæ canonicæ libros tres ; et l’an 1635, un livre intitulé : quod Deus sit [1]. Il le composa selon la méthode géométrique, pour guérir l’un de ses amis qui était tombé dans l’athéisme le dédia au clergé de France, et il crut mériter par cet ouvrage une pension congrue pour toute sa vie [2]. Il l’augmenta l’an 1655, et le fit réimprimer sous ce titre : De verâ Cognitione Dei ex solo naturæ lumine [3] ; c’est le premier livre de son Astrologia gallica. Il y eut un Pierre Baudouin, sieur de Montarcis, son ancien disciple, qui s’éleva contre lui à l’occasion de ce traité, qu’il prétendit être une copie d’un discours de Richard de Saint-Victor. Il lui intenta le même crime de plagiaire à l’égard de plusieurs autres écrits. Voilà ce que nous apprend l’auteur de la Vie de Morin [4] ; mais Morin lui-même, qui ne dit rien de cela, assure au contraire que ce M. de Montarcis était son voleur [5]. Cette accusation fut cause sans doute qu’en récriminant on soutînt que Jean-Baptiste Morin était plagiaire. Il serait à souhaiter qu’il y eût moins de confusion, et plus d’ordre chronologique, dans la liste qu’on nous a donnée de ses ouvrages. Cette confusion m’empêche de faire ici ce que je voudrais ; car pour la rectifier il faudrait que j’eusse plus de temps et plus de livres que je n’en ai. Continuons néanmoins. Morin publia un livre l’an 1631, qui l’engagea à des répliques. Il l’intitula : Famosi problematis de telluris Mota vel Quiete hactenùs optata Solutio. Il se déclara contre Copernic, et il soutint ce premier ouvrage contre un médecin nommé Lansberge, et contre M. Bouillaud ; car il publia, l’an 1634, Responsio pro telluris Motu ; et l’an 1642, Tycho Brahæus in Philolaum pro telluris Quiete. L’année suivante, il écrivit contre Gassendi sur la même matière, comme on le verra ci-dessous. Sa dispute sur les longitudes ne fut pas moins opiniâtre : il prétendit les avoir trouvées ; cela paraît par son livre Longitudinum terrestrium et cœlestium nova et hactenùs optata Scientia, publié l’an 1634. Les Hollandais avaient promis cent mille francs à celui qui pourrait faire cette découverte : Le roi d’Espagne en avait promis trois cent mille [6]. Morin prétendit avoir mérité cette récompense ; car il crut avoir découvert les longitudes, et en avoir donné la démonstration dans une assemblée qui se tint à l’arsenal de Paris, le 30 de mars 1634 [7] ; mais on lui contesta cette gloire : les experts nommés par le cardinal de Richelieu furent contre lui. George Frommius [8] soutint que c’était à Longomontanus que cette invention était due : le père du Liris, récollet se vanta d’avoir mieux trouvé ce mystère, Vallangrénus, cosmographe de sa majesté catholique à Bruxelles, s’en vanta aussi [9]. Morin eut tous ces gens-là sur les bras, et fut obligé de se munir d’attestations contre le rapport des commissaires du cardinal de Richelieu [10]. Il ne se décontenança point ; il prit toujours l’affirmative sans mollir. Voyez le livre qu’il publia l’an 1640 : Astronomia jam à fundamentis integrè et exactè restituta. Sa grande consolation fut qu’il obtint une pension de deux mille livres, l’an 1645. Hunc deniquè laborem velut in agro sterili non periisse commonstrat præmium ab ipso rege, consilioque ipsius secretiore tandem obtentum, cùm enim ipsis anno 1645, libellum supplicem obtulisset, bina librarum millia in pensionem annuam ex regii montis abbatiâ consecutus est [11]. N’oublions pas ses Notes astrologiques contre le marquis de Vilennes [12], ni sa Réfutation des Préadamites [13].

  1. Vita Morini, pag. 9, num. 40. Le jugement que M. Descartes fit de ce livre se lit dans sa Vie, composée par M. Baillet, tom. II, pag. 118.
  2. Propter quod pensionem congruam in reliquam meæ vitæ tempus meruissem à comitiis gallicani cleri convocatis anno 1635. Morinus, Defens. suæ Dissert. de Atomis et Vacuo, pag. 90.
  3. Vitâ Morini, num. 40.
  4. Ibidem.
  5. Morin., Defens. suæ Dissert. de Atomis et Vacuo, pag. 90, 91. Il dit que ce plagiaire avait publié l’an 1651. Tractatus de Fundamentis scientiæ generalis et universalis.
  6. Vita Morini, pag. 17, num. 50.
  7. Ibidem, pag. 11, num. 51.
  8. Professeur à Copenhague.
  9. Vita Morini, pag. 8, num. 34.
  10. Ibidem, pag. 12, num. 52.
  11. Ibidem, num. 54.
  12. Voyez le Mercure galant, tom. I, où il est parlé de l’académie d’Aubignac, et au mois de février 1678, pag. 93. ;
  13. Refutatio compendiosa erronei ac detestandi libri de Præadamitis. Vita Morini, pag. 10, num. 45.