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MAETS.

plus que la créature de ceux qui l’ont engendré. Mes prières ont arrêté trois fois les ordres que Tibère voulut donner de le tuer : c’est moi qui suis cause qu’il succéda seul à l’empire après la mort de Tibère. Macron ne vécut guère depuis : il fallut qu’il se tuât de sa propre main. Sa femme fut exposée à la même nécessité, et ne trouva aucune ressource dans l’amour que Caligula avait eu pour elle. Aussi est-ce une passion sur laquelle il n’est pas permis de compter ; elle est sujette à trop de dégoûts. Λέγεται ὅτι ἠναγκάςη, ὁ δείλαιος, αὐτοχειρια κτεῖναι ἑαυτὸν, καὶ τὴν αὐτὴν ἀναδεξασθαι συμϕορὰν ἡ γυνὴ, καίτοι ποτὲ νομισθεῖσα διὰ συνηθείας ἀυτῷ γενέσθαι. Βέϐαιον δἒ οὐδέν ϕασι τῶν ἐν ἐρωτι ϕίλτρων εἶναι διὰ τὸ τοῦ πάθους ἁψίκορον. Fertur miser coactus seipsum interficere, uxor quoque habuisse eundem exitum, quamvis putaretur constuprata a Cæsare, sed negant in amore firmum præsidium, propter crebra ejus affectûs inconstantissimi fastidia[1]. Toute la famille de Macron fut exterminée en même temps[2].

Trois choses, dont chacune était capable de le ruiner, concoururent à sa perte. Il avait sauvé la vie, et procuré un grand empire à Caligula ; il s’en vantait ; il le censurait. Il y a très-peu de grands qui puissent aimer ceux à qui ils ont trop d’obligation [3] ; et l’on ne voit guère que ceux qui élèvent sur le trône un particulier, conservent long-temps ses bonnes grâces. Ils lui deviennent odieux, ou parce qu’on n’aime pas les personnes qui croient avoir le droit de tout demander, ou parce qu’ils vantent trop leurs services, et se plaignent de n’en être pas récompensés dignement. Je vous laisse à penser si Caligula, l’âme du monde la plus mal faite, pouvait supporter longtemps un bienfaiteur qui étalait toute l’importance de ses services, et qui se donnait la liberté de lui donner des avis de gouverneur ?

  1. Philo, de Legatione, pag. 1000, D.
  2. Tiré de Philon, in libro de Legatione ad Caium, pag. 997 et seq.
  3. Beneficia eò usquè læta sunt, dùm videntur exsolvi posse : ubi multum antevenêre, pro gratiâ odium redditur. Tacit., Ann., lib. IV, cap. XXVIII. Voyez, dans la Vie de du Plessis Mornai, pag. 257, une traduction de cela, appliquée au froid accueil qu’il avait reçu du roi Henri IV.

MAETS (Charles de), ministre et professeur en théologie à Utrecht, naquit à Leyde, le 25 de janvier 1597. À peine avait-il deux ans lorsque son père se transporta à Middelbourg[a]. Ce fut là que notre Charles fit ses études jusques en l’année 1615. Alors il fut temps de l’envoyer aux académies, et l’on préféra celle de Franeker à celle de Leyde, parce que l’on regardait celle-ci comme le principal champ de bataille des remontrans et des contre-remontrans. Après avoir assez demeuré à Franeker, il fut étudier à l’académie de Sedan. Il fit son tour de France ; il retourna chez lui ; il se fit recevoir ministre l’an 1620, et servit l’église de Scherpenisse dans la Zélande, jusqu’à ce qu’il fut appelé à celle de Middelbourg, l’an 1629. Cinq ans après il fut employé, avec quelques autres savans ministres, à la révision de la traduction flamande du Nouveau Testament et des livres apocryphes. En 1636 on lui offrit, à Utrecht, une place de ministre, et la profession en théologie, qu’il ne voulut pas accepter à cause que les magistrats et le consistoire de Middelbourg, souhaitaient passionnément de le retenir. Mais la même vocation lui ayant été présentée l’an 1639, il l’accepta. Il fut installé l’année suivante, et il exerça ce double emploi jusques à sa mort, qui arriva en 1651. Il épousa trois

  1. Il avait été chassé de Flandre à cause de la religion protestante.