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MORGUES.

d’oreille du roi un de cette compagnie, qui ne faisait pas autrement goûter tes prédications à sa majesté. Qui soutient que ce fut le seul de plaire à celui qui le conserva dans la cour du palais avec toi : mais il est très-certain, qu’un autre de leurs ennemis t’ayant demandé pourquoi, bannissant les ministres conjointement avec eux, tu reléguais ces bons, pères en un meilleur terroir que les autres, à qui tu voulais néanmoins beaucoup moins de mal, tu lui répondis, que c’était afin que s’y trouvant mieux ils songeassent moins à revenir au pays d’où tu les chassais [1]. Quelques pages auparavant on lui avait reproché d’avoir fait un livre contre un jésuite qu’il ne pouvait supporter auprès du roi dans le Louvre [2], et on l’avait fait souvenir [3] que des trois mots dont il composa son beau titre les deux premiers étaient de Rome et le troisième d’Athènes.

(C) Il prêcha dans Paris avec beaucoup de succès. ] Il assure dans un écrit publié l’an 1631, qu’il avait prêché deux mille fois dans la capitale du royaume [4]. Il dit ailleurs [5] qu’il n’y avait point de paroisse dans cette grande ville où il n’eût prêché. Toute la cour, ajoute-t-il [6], a estimé mes prédications : les docteurs, les bacheliers, les religieux et les plus célèbres avocats de Paris, les ont recherchées : beaucoup de curieux y ont rempli leurs tablettes, et un grand nombre de bourgeois de bon sens y ont trouvé de quoi se contenter.

(D) Ses ennemis l’accusèrent d’avoir vendu cette cure, mais il le nia. ] Jean Sirmond, sous le faux nom de Sabin, lui parle de cette manière [7] : Tu n’entends pas bien seulement les deux langues que l’usage ordinaire rend les plus communes aux honnêtes gens. C’est pourquoi je trouve que ce fut une espèce de prodigalité spirituelle à cet homme de bien, qui, pour récompense de ce peu que tu fus capable d’en enseigner bien ou mal à ces jeunes enfans dont il l’avait commis l’instruction, te donna cette cure [8] que tu vendis au bout de quelques années, pour aller débiter ton mauvais français autour de la table de la feue reine Marguerite. Notez qu’on observe [9] qu’il avait été curé d’Aubervilliers. Voyons ses défenses au reproche d’avoir vendu sa cure de Notre-Dame-des-Vertus [* 1]. Je la remis, dit-il [10], entre les mains de feu M. Galemant, premier directeur des carmelines en France. Je ne peux avoir commis simonie qu’avec un saint, qui a fait tant de merveilles en sa vie, et tant de miracles après sa mort, qu’on parle de le béatifier. Ainsi pour me précipiter en enfer, Sabin veut arracher un bienheureux du paradis. La vérité est que la reine Marguerite de Valois me tira de ce lieu, où le grand abord du peuple fait des bruits qui sont ennemis du repos nécessaire à un homme de lettres. Le cardinal de Joyeuse me fit commander par cette princesse de remettre ce bénéfice entre les mains de M. de Galemant, qui avait été son grand vicaire à Rohan : il le résigna bientôt après aux pères de l’oratoire, qui le possèdent encore, et savent que je n’en eus jamais récompense.

(E) Il donna le meilleur tour qu’il lui fut possible à sa réponse aux reproches sur le refus des bulles. ] L’un de ses adversaires publia ceci [11] : C’est un jésuite renié, qui en ses entretiens n’en avait point ici de si ordinaire que de parler contre la puissance du pape, sous prétexte de la défense des priviléges de l’église gallicane, jetant par ce moyen tant qu’il pouvait des semences de division entre l’église et l’état..... Le plus

  1. * Leclerc observe qu’Aubervilliers et Notre-Dame-des-Vertus sont une seule et même paroisse sous deux noms différens.
  1. Là même, pag. 730.
  2. Là même, pag. 710.
  3. À cause qu’il avait blâmé son adversaire d’avoir pris le nom de Cléonville, moitié grec et moitié romain.
  4. Morgues, Reparties à la réponse, pag. m. 11.
  5. Le même, Lettre de change protestée, pag. 925, 926.
  6. Là même, pag. 940.
  7. Première Lettre de Change de Sabin, pag. 725.
  8. Dans la page 714 on lui avait reproché la vente de sa cure de Notre-Dame-des-Vertus.
  9. Là même, pag. 729.
  10. Morgues, Lettre de change protestée, pag. 923, 924.
  11. Réponse au libelle intitulé très-humble, etc. Remontrance au roi, à la page 560 du Recueil des pièces.