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MODRÉVIUS.

avait vu en manuscrit la première de ces IV silves, et la trouvant dangereuse, il la réfuta dans son livre de Tribus Elohim. Il ne désigne l’auteur que par le nom de Mediator ; et il en fait cas, comme il paraît par son épître dédicatoire à Edmond Grindal[1].

La manière sceptique dont Modrévius a examiné les mystères a déplu aux catholiques et aux protestans. Il est néanmoins vrai que pour s’acquitter de l’ordre qu’il avait du roi de Pologne, il devait en user de cette manière. On l’avait chargé de l’instruction du procès, comme le médiateur de la concorde[2] : il fallait donc qu’il rapportât sincèrement les raisons des deux parties, et qu’il se défît de tout préjugé. Il avait ouï dire à Dudithius une chose qui lui parut très-solide ; c’est qu’un homme qui a pris parti pour ou contre la Trinité, n’est propre ni à être arbitre ni à être juge entre ceux qui la nient et ceux qui la croient. Is negabat eum qui alterutri seu de Trinitate seu de quavis re aliâ sententiæ adhærescat, medium se inter partes ipsas inferre, controversiamque dirimere atque sedare posse. Neutri parti addictum esse oportere qui vel partes ipsas in concordiam reducere vellet æqualitate decernendi, vel secundùm parte alteram decernere quod justum et legibus consonum esse judicaret. Qui ad eum modum neuter non esset, eum partes judicem capere non solere, et ab alio datum ejurare consuesse : nimirum quem ex opinione imbibitâ pendentem verisimile esset vel tacitâ reprehensione contrarium sensientes condemnâsse. Nam ut pius esset et eruditus qui et dissereret et judicaret, fieri tamen posse ut opinione præjudicatâ nitens falsum judicaret[3]. Cette pensée de Dudithius est très-conforme à l’usage, car où est l’homme qui veuille choisir pour arbitres ou pour juges de ses différends ceux qu’il sait être persuadés qu’il a tort ? Il est même vrai que de telles gens ne sont guère propres à prononcer une sentence équitable. C’est dommage qu’une maxime comme celle-là ne puisse avoir lieu dans les disputes de religion ; mais l’état des choses est tel, qu’il faut nécessairement que ces disputes soient jugées dans l’église même où elles naissent, ce qui entraîne inévitablement que les mêmes personnes soient juges et parties. Il serait inutile de murmurer là-dessus, car la nécessité n’a point de loi. Notez en passant l’une des raisons qui ont rendu vain le travail des médiateurs de religion, et qui les ont fait haïr. Si l’on croit qu’ils sont parfaitement neutres, on les déteste comme des impies ; si l’on croit qu’ils penchent plus d’un côté, ils sont suspects et odieux à l’un des partis, et ne contentent pas pleinement l’autre : l’on veut tout ou rien.

Au reste, les livres de Republicâ emendandâ sont fort estimés ; ils ont fait ranger l’auteur parmi ceux qui ont écrit le plus sensément de la politique. Gravioribus politicis haud dubiè annumerandus est, egregiè enim disputat, magnâque libertate in vulgares errores politicos invehitur[4]. Je joins à cela un passage de la harangue que fit Cunæus, pour montrer que l’académie de Leyde avait eu raison de condamner au dernier supplice un écolier qui avait tué un bourgeois. Le prince Janutius Radziwil, qui étudiait alors à Leyde, avait déclamé aigrement contre les juges : Novit illustrissimus princeps Razevilius, c’est Cunæus qui parle[5], noverunt omnes qui ejus studiis præsunt quàm sint pulchra et luculenta ea quæ de cæde cujuscumque hominis in regno Poloniæ ultimo supplicio punienda scripsit vir amplissimus et rerum civilium ac Republicæ regundæ gnarissimus Andreas Fricius Modrevius ad Sigismundum secundum Poloniæ regem. Modrévius, dans l’épître dédicatoire de son ouvrage de Republicâ emendandâ, a fait mention du livre où il expliqua amplement la nécessité de punir de mort les homicides. Ce traité a pour titre : Lasicius, et consiste en quatre harangues qui ont été ajoutées au volume de Republicâ emendandâ, à l’édition de Bâle 1559.

  1. Voyez la préface de celui qui fit imprimer les IV Sylves.
  2. Voyez l’épître dédicatoire de sa Ire. Sylve.
  3. Modrevius, præfat. Silvæ I.
  4. Job. Andreas Bosius, Dissert. Isagogica de comparandâ Prudentiâ civili, pag. m. 361.
  5. Cunæus, orat. XVIII, pag. 341, edit. Lips., 1693. Cette harangue fut prononcée, l’onzième de février 1632.