Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
456
MILTON.

Charles Ier., me dirent tous deux qu’il était certain que cet ouvrage avait pas été compilé par le roi leur père, mais par le docteur Gauden, évêque d’Exeter. Ce que j’insère lei pour désabuser les autres. En foi de quoi j’atteste ce fait de ma propre main.

» Anglesey. »

Depuis qu’on eut su cette particularité, on s’en entretint beaucoup, et cela fit qu’il y eut des gens qui questionnèrent sur ce sujet le docteur Walker, parce qu’ils n’ignoraient pas les liaisons qu’il avait eues avec cet évêque d’Exeter. Il leur avoua ce qu’il en savait ; et ayant été provoqué, et fort offensé par le docteur Hollingworth, il publia, pour sa justification, un narré touchant ce livre. Il exposa que le docteur Gauden lui avait communiqué tout le projet de cette affaire, et quelques chapitres de l’Icon basilica, et le plan de quelques autres : il rapporta le subterfuge dont il fut payé par ce docteur, après qu’il lui eut fait connaître qu’il n’approuvait point qu’on trompât ainsi le public. Il raconta plusieurs autres faits, et nommément ces trois-ci, comme les tenant du docteur Gauden : 1° que l’évêque de Salisburi s’était chargé de composer deux chapitres de l’ouvrage ; 2°. que le docteur Gauden avait envoyé au roi à l’île de Wicht, par le marquis de Hautford, une copie de l’Icon basilica ; 3°. que le duc d’York savait fort bien que le docteur Gauden en était l’auteur. On ajouta que le fils de ce docteur, sa femme, et M. Gifford qui avait copié l’ouvrage, croyaient fermement qu’il avait été composé dans le lieu où ils demeuraient. On assura que l’opinion générale de la famille était que le docteur Gauden l’avait composé : on allégua que la famille en avait toujours parlé sur ce pied-là, soit qu’il fût présent, soit qu’il fût absent ; et qu’il n’avait jamais pris la négative. Je passe sous silence plusieurs autres preuves ou éclaircissemens qui sont dans la relation du docteur Walker.

Son narré, quelque temps après, fut confirmé d’une manière qui passa pour une découverte totale de l’imposture. Voici comment : un marchand de Londres, nommé Arthur North, homme fort accrédité, et membre de l’église anglicane, avait épousé la sœur de la femme de Charles Gauden, fils du docteur, et après la mort de ce beau-frère, il avait eu soin des affaires de la veuve. Il avait trouvé parmi les papiers du défunt, un paquet qui concernait uniquement l’affaire de l’Icon basilica. La veuve du docteur Gauden avait laissé à son fils Jean Gauden, qui était celui de tous ses enfans qu’elle aimait avec le plus de tendresse. Celui-ci l’avait laissé à son frère Charles. On trouva dans ce paquet : 1°. une lettre du secrétaire Nicolas, écrite au docteur Gauden ; 2°. la copie d’une lettre que ce docteur avait écrite au chancelier Hyde, dans laquelle, entre autres obligations qu’on lui avait, il fait mention d’un service véritablement royal, et digne d’une récompense royale, puisqu’il avait eu pour but de fortifier et d’encourager les amis du roi, et de découvrir et de convertir les ennemis de ce prince ; 3°. la copie d’une lettre qu’il avait écrite au duc d’Yorck, pour représenter fortement les bons services qu’il avait rendus ; 4°. une lettre écrite de la propre main du chancelier Hyde, le 13 de mars 1661, par laquelle ce chancelier témoigne au docteur Gauden qu’il est fâché de ses importunités, et lui fait excuse de ce qu’il ne peut encore lui rendre service. La conclusion de cette lettre est remarquable ; elle contient ces paroles : « Cette particularité dont vous avez fait mention m’a été communiquée comme un secret ; je suis fâché de l’avoir sue : quand celle cessera d’être un secret, elle ne plaira qu’à M. Milton. » Le même paquet contient, entre plusieurs autres papiers, une longue narration écrite par la femme du docteur Gauden. C’est un récit qui prouve, d’une manière incontestable, que son mari est l’auteur de l’Icon basilica. On y voit la confirmation entière du narré du docteur Walker, et la plupart des faits que j’ai rapportés ci-dessus, et plusieurs autres circonstances tout-à-fait curieuses et extraordinaires. Cette narration, copiée sur l’original, en présence de