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MILLETIÈRE.

abominable, infecté de lu puante lèpre calvinienne, et puant comme la caverne de l’enfer : et veulent que cette censure soit publiée, avec le gare, gare, de peur que les domestiques de la foi, comme en une tempête, n’aillent briser le navire de leur conscience, et ne soient circonvenus par la lecture de ce livre frauduleux. Elle est aussi injurieuse au nom de l’auteur, qui y est appelé desertor et perduellis, et ces deux censures sont publiées, signées du secrétaire du greffier de la Sorbonne. »

M. Rivet déclare, à la fin de ce chapitre, qu’il avait reçu la censure imprimée à Paris, avec l’extrait des registres de la faculté sur la forme du procédé, avec ces mots à la fin : Excerpta ex monumentis præfatæ facultatis, etc. Signé Philippe Bouvot, premier bedeau et scribe de la faculté, le premier jour du mois de juillet 1642. Il fait ensuite [1] quelques considérations sur la nouvelle saillie du sieur de la Milletière, en sa « Remontrance à messieurs de la faculté de théologie, assemblés en Sorbonne, le premier d’août 1642, sur la nullité de la censure du sieur Chappellas, etc. Il dit [2] que l’acte de cette censure a mis le sieur de la Milletière aux champs, et lui a fait remuer toutes pierres, pour en accabler, s’il pouvait, le sieur Chappellas, qu’il accuse de l’avoir forgé lui seul, et de l’avoir fait imprimer contre l’intention de ce collége, par une pure surprise, ne leur ayant déclaré pour quelles raisons il leur demandait cet acte, et à quelle fin il s’en voulait servir. » Ceci nous apprend deux choses : 1°. que le sieur Chapellas, voulant réfuter les médisances du sieur de la Milletière, fit voir au public la suite des procédures de la faculté ; 2°. que celui-ci continua de criailler et de chicaner. Or comme cela peut servir à faire connaître le caractère de son esprit audacieux, vain, opiniâtre et brouillon, il n’a pas été inutile de l’indiquer ; et en général je me persuade que les extraits que je donne d’André Rivet, paraîtront curieux et bien instructifs.

(G) Il ne faut pas oublier l’ouvrage qu’il dédia au roi d’Angleterre. ] J’en ai donné ci dessus le titre ; et sans avoir lu cet écrit-là, je m’imagine que le caractère de l’auteur, cet empressement de se faire de fête aux occasions distinguées, l’amour du faste et du théâtre, y paraissent autant ou plus que dans aucun livre qu’il ait publié. Mes conjectures sont fondées sur quelques endroits de la réponse qui fut faite à son épître dédicatoire. Cette réponse est l’ouvrage d’un évêque anglais, qui était auprès du roi Charles II, pendant son exil. Elle fut imprimée à Genève, l’an 1655, in-8°. L’avis au lecteur contient ceci entre autres choses. M. de la Milletière, ayant une fois passé ce Rubicon, « devint un de nos plus cruels adversaires ; il n’y eut point de ministres qu’il ne harcelât ; et, par une infinité de petits volumes, il s’imagina avoir épuisé tout ce grand océan des controverses qui a lassé tant de forts génies de l’une et de l’autre croyance. La plupart de ses ouvrages furent négligés ; et ayant trouvé peu d’antagonistes qui voulussent courir avec lui dans cette carrière, on avait cru que, tout rassasié des titres d’honneur que sa haute suffisance lui a fait obtenir de la libéralité du prince, il s’était dévoué à un perpétuel silence, jusqu’à ce que M. Aubertin ayant composé un docte Traité de l’Eucharistie, selon les sentimens des Pères, on vit cet ouvrage, qui a donné l’alarme jusque dans le cœur de la grande cité, réveiller comme en sursaut M. de la Milletière, et lui faire prendre la plume pour le réfuter à sa mode. Mais ce qui a davantage surpris tous les spirituels de l’une et de autre religion, c’est de voir qu’il se soit oublié jusqu’au point de dédier son livre au roi de la Grande-Bretagne, prince qu’il savait fort bien être d’une croyance toute contraire à celle qu’il établissait dans son ouvrage, et auquel il ne pouvait adresser des choses de cette nature sans attirer sa juste indignation, et sans fomenter les injustes soupçons de ses sujets rebelles : son épître dédicatoire n’est qu’un torrent d’injures contre Église qu’il a

  1. Rivet, Réponses à trois Lettres, pag. 177.
  2. Là même.