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MILLETIÈRE.

enté sur des familles honorables, mais on savait le métier de son aïeul …. dans Orléans. ] Rapportons les propres termes de celui qui fit cet aveu. Homo malè feriatus putavit non aliter quàm alios contemptim deprimendo, imaginariam suam nobilitatem posse commendari. Quasi nesciretur quam artem avus ipsius Aureliæ exercuerit ; ipsum verò à suis collactaneis semper cum risu exceptum, quoties nobilitatis suæ sermonem pro insitâ sibi vanitate ausus est injicere ; quamvis non negem eum honestis esse insitum familiis, quas deshonestat quantùm in se est [1]. M. l’abbé de Marolles nous apprend que la Milletière était fils d’Ignace Brachet, seigneur de la Milletière, et d’Antoinette Faye, fille de Barthélemi Faye, seigneur d’Espaisse, conseiller au parlement, et président aux enquêtes en 1541 [2]. Par cette alliance, notre pacificateur de religion tenait à plusieurs familles illustres, comme cet abbé le fait voir dans un grand détail.

(E) Il continua d’écrire sur la controverse, et de témoigner qu’il croyait aisée la réunion des religions. ] « Après divers avertissemens dont il ne profita point, les synodes déclarèrent qu’il n’était plus membre des églises réformées, et il n’y en eut pas une qui voulût le recevoir à sa communion. Il se fit donc catholique par nécessité, pour être de quelque religion ; et après cela il ne cessa de faire le missionnaire, et de chercher des conférences, où il fut toujours assez maltraité pour perdre courage, s’il n’avait été d’une opiniâtreté que rien n’était capable de vaincre. Charles Drelincourt, l’un des collègues de Jean Daillé, et le vrai fléau des gens faits comme la Milletière, acheva de le défaire dans une conférence dont ses actes furent publiés [3]. » Entre autres livres, il publia à Paris le Triomphe de la Vérité pour la paix de l’Église, pour convier le roi de la Grande-Bretagne d’embrasser la foi catholique. J’en parlerai ci-dessous dans la dernière remarque.

Voici un passage assez curieux : La première conférence qui s’offre est du dessein de M. de la Milletière pour la réunion des Églises séparées. Ce vertueux homme tient facile le retour des protestans à l’église catholique : et comme je lui ai demandé plusieurs fois le fondement de sa persuasion, vu les grandes différences d’opinions qui se rencontrent en certains points malaisés à concilier, il m’a répondu, avec un esprit de charité qui ne l’échauffe pas moins qu’il lui donne de lumières, qu’elle ne dépend que d’une bonne réformation de notre côté, et de connaître les motifs de la séparation de ceux qui nous ont quittés, ce qu’il a fait voir dans plusieurs livres qu’il a écrits exprès ; et qu’il ne faut lire que son Flambeau de l’Église et celui de la vraie Foi, auxquels on n’a point fait de réponse, et il est impossible d’y en faire de bonne : de sorte que ce sont autant de démonstrations invincibles, et que si les adversaires n’en demeurent pas d’accord, il ne faut plus que voir à quoi il tient, et essayer d’obtenir la permission d’en venir à une conférence réglée. Cependant M. de la Milletière est fort persuadé qu’il a démontré, ou qu’il ne lui est pas impossible de démontrer l’infaillibilité de l’église catholique, dont l’autorité primitive et absolue réside au saint siége et en la personne du pape, sans attendre un concile général... Il est, dis-je, persuadé que, dans son livre de l’Eucharistie et de la Transsubstantiation, il a démontré clairement la véritable doctrine que nous avons toujours professée, selon les décisions des saints conciles, et la pure parole de Dieu, qui est si expresse à ce sujet, avec la tradition : de sorte qu’il ne faut plus exiger de nous le témoignage des sens et celui de la raison, pour prouver qu’il n’y a point d’autre transsubstantiation que celle de passer de la connaissance d’une substance sensible à la connaissance d’une substance intelligible [4]. C’est ainsi

  1. Samuel Maresius, in Antechristo revelato, lib. II, pag. 561.
  2. Abbé de Marolles, Mémoires, pag. 322, 323.
  3. Histoire de l’Édit de Nantes, tom. II, liv. X, pag. 515, 516. Joignez à cela ces paroles du livre XI, pag. 578. Ses écrits furent condamnés au synode national d’Alençon, l’an 1637, et on écrivit à ce conciliateur que s’il ne donnait pas dans six mois une déclaration authentique de sa repentance au Consistoire de Paris, on ne le tiendrait plus pour membre de l’église réformée.
  4. Abbé de Marolles, Mémoires, pag. 241, 242. Voyez aussi pag. 192, 193.